Dans environ deux semaines, tous les enfants en âge d'aller à l'école vont reprendre le chemin des écoliers.
Pour le faire dans les meilleures conditions possibles, on ne doit pas attendre le week-end qui précède pour se préparer à cette rentrée, mais on doit le faire à partir de maintenant. Cela concerne en particulier le rythme veille-sommeil de chacun d'entre eux.
À partir de ce soir, il faut leur expliquer qu'on doit reprendre des horaires, pour se coucher, correspondant bien aux besoins des heures de lever pour aller à l'école. Pourquoi dès maintenant me demanderez-vous ? Je vous l'explique.
Notre orgnanisme comporte de très nombreuses "horloges" biologiques, dont la plupart fonctionnent sur 24 heures, or on sait depuis longtemps que piur être en bonne forme, toutes ces horloges doivent fonctionner de façon synchronisée, c'est-à-dire être en phase les unes avec les autres.
Où se situent ces horloges ?
Toutes nos cellules en possèdent, la plupart de nos organes tels la vésicule, les reins, la peau, le coeur, et bien sûr nous en avons plusieurs dans le cerveau. Je vais prendre l'exemple de quatre d'entre elles qui vont mieux vous faire comprendre pourquoi il faut deux semaines pour que toutes nos horloges soient à nouveau synchronisées entre elles par rapport à la nouvelle heure, celle de l'école.
Nous avons une horloge qui concerne notre vigilance physiologique, qui nous permet d'être attentif, de nous concentrer. Celle-ci est à son niveau le plus bas la nuit, toujours à peu près à la même heure, elle ne va commencer à augmenter que juste après notre éveil, qu'on devrait avoir le plus spontané possible, c'est-à-dire éviter d'utiliser un réveil ou que ce soit papa ou maman qui viennent réveiller. Elle va ensuite conserver son bon niveau toute la matinée, puis elle va connaître une baisse assez conséquente en début d'après-midi, après le repas. Les adultes disent souvent qu'à ce moment de la journée, ils ont un "coup de pompe", et sont persuadés qu'il est dû au fait qu'ils sont en train de digérer. Or c'est une erreur, car même si on n'a pas mangé, on aura ce coup de pompe. lors d'une intervention que je faisais dans un centre social, une maman présente m'avait dit : "ah !c'est pour ça que quand je fais ramadan, j'ai quand même ce coup de pompe. Je ne comprenais pas pourquoi puisque je n'avais pas mangé". Cette maman avait bien observé, en fait à ce moment de la journée, nous subissons tous une baisse physiologique globale, notre vigilance baisse, mais on va voir qu'elle n'est pas seule à être concernée. Cette baisse impose qu'on prenne à ce moment de la journée, une vraie pause, un réel temps de repos, de relaxation si possible, ceci qu'on soit enfant de tous âges, adultes ou personnes âgées.on appelle ce moment "creux méridien", creux à cause de cette baisse, et méridien car il se situe au milieu de notre rythme dit circadien, qui fonctionne sur 24h.
Cela signifie aussi que toutes les écoles doivent permettre aux enfants d'avoir cette pause, ce moment de relaxation, ceux qui font la sieste doivent impérativement y aller dès la fin du repas, passer aux toilettes et se préparer rapidement à se coucher. C'est le meilleur moyen pour que les enfants s'endorment rapidement, et qu'on ne soit pas obligés de les réveiller en fin d'après-midi, car le plus souvent, au bout de deux heures de sieste, ils sont tous réveillés.
C'est aussi vrai chez les ados. Dans un collège avec lequel j'ai travaillé, une salle de "zen attitude" avait été installé après un travail mené avec les collégiens sur leur sommeil et leur besoin de repos. Cette salle a été tout à fait correctement investie par les collégiens qui ont beaucoup apprécié.
Dans un lycée où j'ai appris aux élèves à mieux connaître le fonctionnement de leurs rythmes biologiques, et comment les respecter, tous les élèves m'avaient dit que si leur lycée leur offrait une salle de repos, ils l'utiliseraient très volontiers. Certains de ces élèves m'avaient demandé si je discutais avec leur proviseur, leur ayant répondu que c'est lui qui m'avait invitée, j'ai répondu positivement et leur ai demande pourquoi cette question. "Vous pouvez lui parler de nos emplois du temps ? Parce que par rapport à ce que vous nous avez expliqué, pourquoi deux fois par semaine on nous fait faire EPS à 13h30, on doit courir pendant une heure et demie et ensuite on a histoire-géo. Et à chaque fois c'est le même problème, on se fait engueuler par la prof, parce que tout le monde dort pendant son cours" !!!! Désolée de dire qu'ils ont raison, c'est un emploi du tems aberrant, comme on en trouve beaucoup un peu partout.
Après ce coup de pompe, notre vigilance va remonter, davantage chez les ados que chez les jeunes enfants chez qui elle ne revient jamais à son niveau du matin. Et elle baissera à nouveau substantiellement, en fin de journée, quand il sera l'heure d'aller se coucher.
Notre température centrale connaît elle aussi un tel rythme, elle est au plus bas dans la nuit, elle commence d'ailleurs à baisser dans la soirée, c'est cette baisse, repérable, puisque nous ressentons alors un coup de froid, qui indique que nous sommes prêts à nous endormir. Nous devrions alors aller dormir plutôt que de prendre une petite laine pour ne pas avoir plus froid et continuer de faire ce que nous faisons, le plus souvent devant un écran. Notre température va commencer à monter environ 1h30 avant notre éveil spontané, une fois réveillé elle va atteindre son plateau qui va perdure toute la matinée, et au moment du creux méridien, elle va baisser en même temps que la vigilance physiologique. Tout comme cette vigilance elle va remonter, davantage chez les ados, à la fin de ce creux puis baissera comme je viens de l'expliquer.
Nous avons également deux hormones qui fonctionnent sur ce rythme circadien. D'abord celle qu'on appelle souvent " l'hormone du stress", soit le cortisol. Celle-ci est à son niveau le plus bas dans la nuit, en même temps que la vigilance et la température centrale, mais au contraire de ces deux premières, elle va voir son niveau monter rapidement, pour atteindre son plus haut niveau, son pic, juste avant notre éveil spontané. Beaucoup de chronobiologistes pensent que c'est cette atteinte du pic de cortisol qui provoque l'éveil de l'organisme. Elle va conserver ce bon niveau toute la matinée, va elle aussi le voir baisser au moment du creux méridien, en même temps que la température et la vigilance, mais contrairement à elles, elle ne va jamais voir son niveau remonter, au contraire, il ne va cesse de baisser doucement tout au long de l'après-midi. Un petit conseil à toutes et tous, si un médecin vous propose une prise de sang pour vérifier votre niveau de cortisol, n'allez jamais la faire à 16h, vous aurez alors un faux niveau, c'est toujours le matin, si possible peu après l'éveil, que ce type de mesure doit être fait. Cette hormone va baisser fortement au moment de notre endormissement, et être au plus bas quelques herures plus tard.
Enfin une autre hormone, qu'on appellle " l'hormone du sommeil" connaît également ce rythme circadien. Il s'agit de la mélatonine, qui, il faut absolument le savoir, n'est synthétisée que la nuit, mais a impérativement besoin d'obscurité pour commencer cette synthèse. Celle-ci est la plus importante entre 1h et 3h du matin, et elle va complètement l'interrompre une fois que nous serons réveillé spontanément. Cette hormone se "recharge" (un peu comme votre téléphone!, grâce à la lumière naturelle du jour, donc en profiter dès qu'on le peut. Pour tous les travailleurs, il vaudrait mieux le midi, manger dehors, en se protégeant du froid quand il y en a, plutôt que de s'enfermer dans une salle éclairée artificiellement. C'est le moment, en hiver, où la luminosité est la meilleure, avec celle de la matinée, mais en général, sauf pour les travailleurs à l'extérieur, on est alors enfermé dans des salles éclairées artificiellement.
Comme la mélatonine a besoin d'obscurité pour commencer à être synthétisé, cela impose qu'on accepte de couper tous les écrans au moins 1 h avant d'aller dormir. Ces écrans renvoient des flux bleutés très proches de la lumière naturelle, qui de ce fait, trompent l'horloge centrale, qui est le chef d'orchestre de toutes les autres horloges, qui se trouvent juste derrière les yeux, juste au dessus du croisement de nos nerfs optiques. Elle reçoit donc ces flux bleutés, pense alors que le jour n'est pas fini et n'envoie pas les bons messages de mise en route aux autres horloges, on retarde alors fortement notre moment d'endormissement.
Apprendre à repérer notre réelle heure d'endormissement est très utile, car c'est ce qui nous permettra d'avoir un sommeil de bonne qualité.
Toutes ces horloges sont synchronisées et doivent le rester, or on sait depuis longtemps qu'elles n'ont pas la même vitesse de remise à l'heure les unes et les autres. Quand on a bousculé nos horloges, avec par exemple le passage de plusieurs fuseaux horaires, ou simplement des retards importants d'heure de coucher, si cela a duré plusieurs semaines, quand on voudra revenir à la " bonne heure", voilà ce qui va se produire. On change notre heure de coucher, on croit qu'on va rapidement dormir correctement.Or si notre vigilance va se réhabituer à cette nouvelle heure au plus au bout de 48, il faut une semaine à la température pour le faire et deux semaines aux systèmes hormonaux. Ce n'est donc qu'au bout de deux semaines que nous aurons à nouveau toutes nos horloges synchronisées, avant cela nous sommes en "désynchronisation interne", car nos horloges sont désynchronisées entre elles. Certains le vivent très mal, ce qui se répercute sur la qualité du sommeil.
Voilà pourquoi je dis que c'est dès à présent qu'il faut faire retrouver aux enfants et aux jeunes le rythme de sommeil nécessaire à l'école, pas attendre le dernier week-end. Et surtout, il faut s'y tenir, c'est-à-dire ne pas s'amuser à changer les heures de coucher parce qu'on est samedi, il faut qu'il y ait une régularité dans les horaires, ce tout au long de l'année scolaire, seul moyen d'avoir des élèves dans de bonnes conditions d'apprentissage.
C'est d'autant plus important que notre sommeil n'est pas juste une succession d'heures identiques tout au long de la nuit. Il est constitué d'une succession de cycles de sommeil qui ne sont pas identiques en début et en fin de nuit. Après notre endormissement à la bonne heure, nous allons faire beaucoup de sommeil "profond", qui est un sommeil lent, très important puisque c'est lui qui nous permet de récupérer de toute notre fatigue physique et musculaire, accumulée au cours de la journée. Chez l'enfant, c'est au cours de ce sommeil lent profond qu'est synthétisée l'hormone de croissance. C'ezst enore un sommeil qui nous permet de mémoriser toutes les activités demandant à être automatisées, la régénération de la peau se fait également au cours de ce sommeil. Enfin et c'est important en cette période de pandémie, c'est au cours de ce SLP qu'est régénéré notre système immunitaire, qui va nous protéger contre les bactéries et virus. Donc plus on a de ce sommeil au cours de la nuit, plus nous protégerons notre organisme.
Or il faut savoir qu'à mesure que la nuit avance, ce SLP diminue fortement en durée, il est très long lors des deux premiers cycles qui durent chacun environ 90 mns, mais dès le 3ème on le voit baisser fortement et carrément disparaitre lors du 4ème ou 5ème cycle.
À côté de ce SLP important, une autre forme de sommeil l'est, c'est celui qu'on appelle "Sommeil Paradoxal", (SP) ou encore sommeil de rêves. Le paradoxe vient que dans ce sommeil, le cerveau se met en activité alors que les muscles sont totalement inhibés, alors qu'ils sont actifs pendant le SLP, qui est d'ailleurs le sommeil où on peut rencontrer des somnambules, des soliloques (ces personnes qui parlent en dormant), ou encore celles qui ont du bruxisme (celles qui grincent des dents en dormant), parce que le musculaire est actif.
Le SP, très bref au moment de l'endormissement, ne cesse de voir sa durée augmenter quand la nuit avance. Il est le plus long lors du dernier cycle, si on ne se réveille pas spontanément, on a beaucoup de chances d'être réveillé en plein rêves, soit en cours de SP. C'est un sommeil lui aussi très important car il permet de mettre en mémoire à long terme toutes les nouvelles informations importantes qu'on a apprises dans la journée.
Comme on le voit, respecter son bien-être nécessite de connaître le fonctionnement de nos rythmes biologiques.
J'en terminerai aujourd'hui en faisant constater l'importance du bien dormir, mais aussi que contrairement à ce qu'on pense souvent, le matin n'est absolument pas identique à l'après-midi, c'est aussi quelque chose qu'on sait depuis longtemps mais qu'on a trop tendance à oublier. Ceal signifie qu'avoir le plus possible de matinées pour mener à bien les apprentissages est important, d'où l'hérésie française de la semaine de 4 jours, mais aussi, y compris en primaire, avoir des matinés plus longues qu'elles ne le sont le pus souvent, ce que font tous les pays bien mieux classés que nous dans les enquêtes internationales.
J'espère vous avoir apporté des informations utiles pour préparer la rentrée de vos enfants, si vous avez des questions à me poser concernant cet article, vous pouvez le faire via ce site, en me contactant par son biais sur ma boîte mail.
Une petite dernière chose, assez vite, si vos enfants se couchent à la bonne heure, ils auront tendance à se réveiller plus tôt que pendant les vacances, encore que bien souvent ils ne font rien d'autre que de "trainer au lit" comme me l'ont affirmé beaucoup de lycéens rencontrés. Profitez en pour prendre avec eux un bon petit déjeuner, contenant des produits protéinés qui aideront la mélatonine à se recharger, contenant également des sucres lents et rapides et des produits fruités, s'ils en prennent l'habitude, ils continueront après la rentrée et cela les aidera aussi beaucoup.
Bonne fin de vacances à tous nos jeunes et bonne rentrée à venir