Soutien au ministre de l’Éducation nationale
Depuis quelques temps, il me revient que je ne suis plus vraiment « bienvenue » pour apporter une information utile aux enseignants quant aux connaissances qu’il leur faut avoir pour être acteur – et non uniquement utilisateur – dans les projets éducatifs en train de se construire pour appliquer le plus favorablement possible, d’abord dans l’intérêt des enfants, la réforme dite des « rythmes scolaires » !
On me reproche entre autres du côté de l’Éducation nationale, de ne pas être suffisamment « institutionnelle » et d’avoir une intervention qui serait « une chimère » ! Ou encore qu’il vaut mieux que je ne m’adresse pas aux enseignants d’une circonscription car je suis « contre le gouvernement » !
En tant que militante, je tiens à faire savoir que loin d’être contre le gouvernement et qui plus est contre le ministre de l’Éducation nationale, je ne cesse au contraire de tenter de lui faire prendre conscience que la façon dont il a communiqué pour appliquer sa réforme pourtant attendue de tous n’a pas du tout été la bonne. Or il persiste dans son attitude, convaincu qu’il a fait les bons choix, y compris en s’entourant de ceux qu’il considère comme les plus experts pour l’aider à appliquer sa réforme dans les meilleures conditions.
Qu’on en juge, deux villes PS, deux modalités d’application de la réforme, deux formes de réactions de l’ensemble de la population :
LANNION ; la ville a eu le courage de m’inviter à assurer une soirée débat autour de la réforme des rythmes le 21 février 2013. Cette ville m’avait également demandé si j’acceptais de participer aux premiers ateliers de réflexion le 22 février au matin, ateliers regroupant des représentants de tous les acteurs de la communauté éducative. Y étaient présents les directeurs de toutes les écoles, une IEN, des conseillères pédagogiques, des représentants de parents d’élèves, des ATSEM, des professionnels d’associations partenaires, des techniciens de la mairie, etc . À la fin de cette matinée de travail, un projet d’organisation a obtenu le consensus de tous les présents, le maire étant présent au moment de la synthèse, il a décidé de tenir compte des résultats de ce travail partenarial.
Les sondages qui ont suivi ont montré que les parents étaient favorables à cet aménagement, que 93% de l’ensemble des enseignants de la ville y étaient aussi favorables et prêts à démarrer sur ce modèle dès la rentrée 2013.
Le 25 mars 2013 le conseil municipal votait « pour » le démarrage en 2013 de cet aménagement des temps de l’enfant : Il consisterait à proposer tous les jours des matinées de cours de quatre heures, coupées par deux pauses, puis deux après-midi de cours et deux après-midi de « parcours éducatifs » de deux heures. Parcours à « dominante sportive, artistique, culturelle dont les contenus seront organisés entre chaque période de vacances scolaires. Les enfants participeront, par exemple, à des activités sportives pendant une période, puis artistiques à une autre période, et ainsi de suite ».
Interrogé sur l'encadrement à mettre en place, Patrice Kervaon a rappelé qu'il « correspondra à un taux d'encadrement et de qualification du personnel défini par les textes ». Quant au coût, il est évalué entre 200 et 300 € par enfant, pour environ 1 500 élèves.
Mais, pour l'appliquer, la commune doit demander une dérogation car, selon Patrice Kervaon, « le décret précise que l'organisation du temps scolaire doit se faire sur neuf demi-journées réparties sur quatre jours et demi ». D'où la demande faite par la mairie pour que Lannion puisse devenir « ville expérimentale en la matière et l'Académie nous soutient », affirme le maire, Christian Marquet. Reste que, faute d'obtenir cette dérogation d'ici le 15 avril, un plan B est aussi dans les tuyaux pour la rentrée prochaine. Il consisterait à ajouter une heure de cours dans les après-midi dévolus aux parcours éducatifs ramenés à 1 h 30. Et s'il n'est pas non plus possible de le mettre en oeuvre « la date de démarrage sera reportée à 2014 ».
Plusieurs communes environnantes de Lannion ont fait savoir à ce jour qu’une telle organisation leur conviendrait parfaitement bien.
Le 27 mars 2013, le SGEN-CFDT national fait savoir par un communiqué envoyé au ministre qu’il défend le projet lannionais reposant sur sept demi-journées. « Ce projet correspond dans son esprit aux objectifs de réussite de tous qui justifient cette réforme des rythmes ».
TOURS : autre tactique, autre résultat. Le 18 mars 2013, le maire de Tours, Jean Germain, défend le passage à la semaine de 4 jours et demi dès 2013.
Son plan : commencer les enseignements une demi-heure plus tard, à 9 heures au lieu de 8h30, tout en garantissant une prise en charge des enfants par le périscolaire dès 7h30, comme c’est déjà le cas aujourd’hui ; rallonger la pause méridienne d’un quart d’heure ; créer une plage d’enseignement le mercredi matin entre 9 heures et 12 heures, en gardant les enfants jusqu’à 12h30. Pour le reste, rien ne change : fin de la classe à 16h30, périscolaire jusqu'à 18h30.
Il explique sa démarche : « Ça ne sera pas plus facile en 2014, en pleine campagne municipale. Sur un plan politique, c’est plus simple pour moi en ce moment. Le ministre de l’Education nationale Vincent Peillon, qui a assoupli le taux d'encadrement des enfants et assure une prise en charge financière, nous permet de commencer dès 2013 ».
À la remarque qui lui est faite par un journaliste que ce n’est pas l’avis de ses collègues, y compris socialistes, il répond : « Avant d’être maire, j’ai été président de l’Université de Tours. Le doyen de l’UFR de Sciences humaines était François Testu, doyen de la chronobiologie en France (que fait-il d’Alain Reinberg ? NDA). C’est un sujet qui nous est familier. Nous voyons tout l’intérêt qu’il y a à avoir des temps d’enseignement moins longs, à pouvoir dormir plus longtemps le matin, à avoir une journée plus équilibrée avec 2h45 d’enseignement le matin et 2h30 l’après-midi… Dans notre schéma, les élèves sont en classe aux heures les plus favorables à l’apprentissage….
Le système n’est pas gênant pour les parents, puisque l’accueil périscolaire est maintenu le matin dès 7h30 et la ville prend financièrement en charge la demi-heure supplémentaire, entre 8h30 et 9 heures. De même, le périscolaire du soir, entre 16h30 et 18h30, reste inchangé, avec un place importante pour les études surveillées. Finalement, on revient aux horaires qu’ont connus nos grand-mères.
Pour les enseignants, la journée est un peu plus courte. Ils ne sont pas toujours d’accord mais pour les syndicats, c'était "la solution la moins pire". Ils peuvent planifier leurs Activités Pédagogiques Complémentaires avant 9 heures, après 16h30 ou pendant la pause méridienne, qui augmente très peu - ce qui était leur hantise.
Nous scolarisons 9.000 enfants. Le soir, nous en accueillons 1.900. Le matin, 500. Les gens s’organiseront différemment, s’entraideront... Le matin, on devrait passer à 700, 800 enfants maximum. Et le personnel municipal, qui assure l’entretien le mercredi, aura le temps de faire le ménage le matin….
Je suis socialiste. Mon gouvernement propose une réforme. Mon premier sujet n’est pas de la cartonner. Je suis un gars simple.
J’ai une conception républicaine de l’intérêt général, qui l’emporte sur les intérêts particuliers. 2014 a été proposé comme une dérogation. Je préfère être dans la moyenne et la normalité. Je réserve mes grandes bagarres pour des sujets majeurs. »
Le 28 mars 2013, un communiqué de presse dénonçait « le zèle du maire de Tours et sa précipitation à mettre en œuvre cette réforme sans en avoir les moyens, notamment humains, est incompréhensible. En effet, rien ne saurait justifier cette urgence alors que les modalités d'application de cette réforme sont contestées par l’ensemble des protagonistes, incluant la coordination des écoles publiques de Tours ! Les prestataires de services chargés de l'accueil périscolaire et des centres de loisirs du mercredi ont également attiré l'attention de la municipalité sur les problèmes que leur posait la mise en oeuvre immédiate de cette réforme, à Tours.
Jean GERMAIN semble donc faire son choix en fonction de critères personnels, tactiques et politiciens, sans avoir consulté au préalable les acteurs de la vie socioéducative, des familles aux enseignants, et à l’ensemble des structures d’accueil de nos enfants ».
Et le 15 mai 2013, on apprend que la colère monte à Tours et à Joué les Tours : à Tours, la coordination des écoles a mené une vaste consultation auprès de 3500 parents d'élèves. Bilan : 7% des parents seulement approuvent le projet de la ville. Comme sur la ville de Tours, l'organisation des nouveaux rythmes scolaires dès la rentrée de 2013 à Joué-lès-Tours ne passe pas auprès des enseignants et des parents d'élèves. Ils se sont retrouvés ce mercredi sur le parvis de l'hôtel de ville et dénoncent un passage en force de la part de la mairie.
Voilà Monsieur le Ministre, ce ne sont que deux exemples parmi tant d’autres que je pourrais prendre.
Inutile ici de rajouter que pour Lannion, vous avez dit Non alors que pour Tours, aucune demande de dérogation donc aucune raison de refuser !
Lannion a respecté son engagement, le plan B n’étant pas soutenu par la population, la mairie renvoie la mise en œuvre de la réforme à 2014, afin de poursuivre les concertations.
Mais objectivement et honnêtement, dans lequel des deux cas votre réforme est-elle la mieux appliquée, en tenant compte à la fois réellement des besoins de tous les enfants, de ceux des parents et de la qualité de vie professionnelle des adultes qui encadreront les enfants dans ses différents temps éducatifs, scolaires et non scolaires ?
Autre remarque : dans son guide pour l’application de sa réforme, le ministère met en exergue trois villes qui « expérimentent les nouveaux rythmes » pour la troisième année (oubliant évidemment Épinal, près de 20 ans d’expérience, Lille, 17 ans, Mulhouse, plus de 15 ans, La Roche sur Yon, 12 ans !). Aucune de ces trois villes ne va généraliser sur l’ensemble des écoles le type d’organisation mis en place en 2010 ! Dans l’une de ces trois villes « modèle » avec lesquelles je travaille depuis trois ans, après la rapide prise de conscience de ce que des activités sur ¾ d’h en fin de journée ne permettaient absolument pas un accompagnement de qualité des enfants ni le moindre lien avec l’école, la ville a rapidement mis la main au tiroir caisse pour prolonger ces périodes d’activités jusqu’à en faire chaque jour 1h30 après l’école. Quelle collectivité trouverait les moyens d’encadrer gratuitement pour les familles, les enfants pendant 1h30 chaque jour pendant 4 jours ? Cela par ailleurs, n’empêchait pas la coordinatrice de ces activités de me dire en mai 2012 que les enseignants de l’école, en majorité, ne connaissaient pas les contenus de ce qui était fait dans ces moments là.
Quelle implication des enseignants dans un tel projet ?
Dans une autre de ces villes, les enseignants de l’école expérimentale ont refusé, pour la seconde fois, de remplir les questionnaires de satisfaction et de qualité de vie professionnelle qui font partie du protocole d’évaluation qu’il m’a été demandé de mettre en place au même titre que pour l’école témoin. Quelle interprétation dois-je en faire ? Sont-ils tellement satisfaits qu’ils refusent de le faire savoir !?
Mais au fait, l’Éducation nationale cherche-t-elle vraiment à permettre à ses enseignants de l’école primaire de retrouver une qualité de vie professionnelle, de retrouver les fondamentaux de leur métier, alors qu’ils ont été tellement bousculés ces dernières années que le burn-out chez eux a fortement augmenté ?
L’État s’engage-t-il vraiment à qualifier et valoriser le métier des animateurs qui interviendront auprès des enfants dans les temps libérés par l’école, où que ceux-ci soient placés d’ailleurs ?
Monsieur le Ministre, très objectivement, si vous aviez le choix, dans laquelle de ces deux écoles, lannionaise ou tourangelle, inscririez-vous vos petits-enfants ?
Fait à Villeneuve d’Ascq, le 26 mai 2013