Un projet éducatif au service du bien-être et de la réussite éducative de chaque enfant

 

Pour aider les élus à la construction d'un PEdT

 Le ministère a lancé ce qu’il a appelé la « réforme des rythmes scolaires », en s’appuyant sur les travaux des chronobiologistes, alors que tout chronobiologiste sait qu’on ne peut réformer des rythmes : ceux-ci doivent être synchronisés, ou ils peuvent être désynchronisés, mais certainement pas réformés.

En revanche il semble important d’aménager les temps des enfants, parmi lesquels les temps scolaires occupent un peu moins de 10% de leur temps total. D’où l’importance de construire un projet éducatif prenant en compte tous les temps collectifs des enfants, le construire de façon partenariale de façon à ce qu’une cohérence soit donnée à ces différents temps.

C’est ce qui permettra aux enfants de percevoir une continuité éducative à travers les différents temps dans lesquels il devra obligatoirement passer au cours de sa journée et au cours de sa semaine. En effet une réforme de cette importance, s’appuyant sur la suppression de la semaine de 4 jours d’abord et avant tout pour résorber les difficultés d’apprentissage chez les enfants actuellement en échecs ou en passe de l’être, peut-elle se contenter de demander aux enseignants de rendre un cadre comportant des cases vides à remplir plus tard ? Au lieu de demander à l’ensemble des acteurs de d’abord s’accorder sur les objectifs à atteindre avec cette réforme et dès lors de construire un projet nécessitant un cadre horaire particulier ?

En tant que professeur de psychologie de l’éducation, je sais à quel point il est important de considérer l’enfant comme un être global et non comme une juxtaposition d’enfants différents, qui serait tantôt élève, tantôt enfant de sa famille, tantôt enfant du centre de loisirs ou de l’accueil périscolaire. C’est aux adultes que revient la responsabilité de donner de la cohérence entre les structures, les adultes et les lieux différents auxquels l’enfant est confronté dans sa journée. C’est à ce prix que son développement sera harmonieux.

D’ailleurs Jules Ferry, dans sa lettre aux instituteurs (17 novembre 1882), écrivait : « il ne suffit pas que vos élèves aient compris et retenu vos leçons, il faut que leur caractère s’en ressente ; ce n’est pas dans l’école, c’est surtout hors de l’école qu’on pourra juger ce qu’a valu votre enseignement. ». (In Leconte, 2011, p. 147).

La « réforme » a été mise en place pour permettre d’améliorer les performances éducatives. Mais comme le dit un récent rapport de l’Inspection générale, « L'innovation ne pourra pas devenir un véritable levier de ce changement tant que la communauté éducative dans son ensemble n'aura pas accepté l'idée d'une rénovation en profondeur des dispositifs traditionnels d'enseignement. ». Or les dispositifs d’enseignement ne peuvent évoluer que si on accepte de faire évoluer les temps dans lesquels ils s’inscrivent. Est-on vraiment en train de réformer, avec ce qu’impose le ministère via le décret de janvier 2013 ?

Le 18 mai 1990 une circulaire signée par Jospin, Bambuck et Lang avait pour objet l’Aménagement des Rythmes de Vie des Enfants des écoles maternelles et élémentaires. On y trouve ceci : « Un réel aménagement des rythmes de vie de l’enfant ne saurait se concevoir sans l’existence d’un projet d’école impliquant l’engagement de l’équipe pédagogique. [….]. Seul un tel projet peut donner son sens à une collaboration avec les partenaires locaux, qu’il s’agisse des interventions, dans le temps scolaire, de personnes qualifiées participant à la mission d’enseignement, ou de la mise en œuvre d’actions nouvelles destinées, au premier chef, à développer la pratique volontaire par les enfants, d’activités sportives, artistiques et culturelles, confortant, complétant et diversifiant les activités d’enseignement proprement dites ». Cette circulaire avait comme objectif de donner une cohérence à l’ensemble des contrats mis en place dans les années 80. Elle confirmait que « dans tous les cas, il s’agira de promouvoir progressivement au sein des collectivités locales une politique globale du temps, de l’espace et de la qualité de vie de l’enfant dans la Cité ». « Les objectifs sociaux et éducatifs fixés par la loi d’orientation imposent de créer pour chaque enfant, les conditions nécessaires à sa qualité de vie et à la construction de son autonomie, de son équilibre personnel, de sa capacité à s’insérer dans l’environnement social, culturel et civique. La politique d’Aménagement du Temps de l’Enfant, qui constitue l’une des priorités de l’action conduite conjointement par l’Éducation nationale, la Jeunesse et les Sports et la Culture contribue grandement à l’émergence de ces conditions. ».

Le 31 octobre 1995 est co-signée une circulaire par François Bayrou, Philippe Douste-Blazy et Guy Drut, dont l’objet est « les contrats d’aménagement des rythmes de vie des enfants et des jeunes », circulaire désireuse de pérenniser la politique d’ARVEJ. Elle traduit la volonté d’associer autour d’un même projet tous les partenaires de l’action éducative, [….], avec les objectifs fondamentaux que sont : le respect des rythmes de vie des enfants et des jeunes, le développement harmonieux de l’enfant et du jeune, la réussite scolaire de l’élève, la participation de l’enfant et du jeune à la vie de la cité. Je vous invite à lire dans cette circulaire les critères d’analyse des projets, en parfaite adéquation avec ce qu’on peut attendre aujourd’hui d’une construction d’un projet éducatif. L’instruction du 23 novembre 1995 du ministère Jeunesse et Sports, lançant l’appel à projets de sites pilote pour l’aménagement des rythmes scolaires, insiste sur le fait que les projets devront impérativement répondre à plusieurs critères dont : une semaine scolaire sur au moins cinq jours. Les autres critères impératifs sont tout aussi respectables ainsi que les recommandations qui sont faites pour qu’un tel projet soit sélectionné. Cette instruction signalait que les projets pouvaient concerner les établissements du primaire et ceux du second degré. L’instruction du 17 février 1997 confirme cette politique volontariste et insiste de plus sur l’importance d’alléger les semaines scolaires (de 26 à 24h si ce n’est 22h) en réduisant progressivement les vacances d’été. On est toujours sur la semaine d’au moins cinq jours, ce qui, d’ailleurs, avait permis le montage du projet lillois sur 6 jours.

Marie-Georges Buffet, devenue ministre de la Jeunesse et des Sports après la dissolution de l’assemblée de 1997, avait pris la décision de faire perdurer cette politique, qu’elle trouvait tout à fait noble pour l’enfant, en l’étendant aux collèges, ce qu’elle a fait jusqu’en 1998, année où l’éducation nationale, via Claude Allègre, décide de se « réapproprier les projets sur les rythmes scolaires ». Jean-Paul Delevoye, qui a présidé le Comité d’Évaluation et de Suivi de l’Aménagement des Rythmes de l’Enfant mis en place par ce ministère, écrit en 1999 : « Nos enfants sont notre vraie richesse, mais aujourd’hui comment assurer à chacun d’entre eux le maximum de chances voire de chances égales ? L’école de la rue et l’école parentale sont souvent en contradiction voire en opposition avec l’école républicaine qui ne peut suppléer ces défaillances sociétales. C’est pour cela que nous affirmons que notre réflexion sur l’aménagement du rythme scolaire est vouée à l’échec si elle ne s’inscrit pas dans le seul cadre qui vaille, « l’aménagement du rythme de l’enfant » pris dans sa globalité. [….]. Chaque vie a besoin d’un projet et il nous faut donner un sens à la vie. Ceci nous oblige à former nos enfants à être responsables et non dépendants : c’est tout le sens de la réflexion que nous vous livrons avec un seul objectif : l’enfant, son épanouissement et sa capacité demain à gérer ses propres choix, c’est-à-dire à être libre mais surtout à être libre dans la façon de vivre sa liberté ». (In ¨Pour une approche globale du temps de l’enfant », La Documentation Française, 1999, que je vous invite fortement à lire).

Comme on peut le constater, à gauche comme à droite, on a eu dans la décennie 90-2000 une vraie ambition pour l’école et la réussite de chaque enfant de ce pays. Comment est-on arrivé à imposer en 2013 un cadrage qui ne s’intéresse, de façon rigide, qu’à un emploi du temps scolaire sans du tout prendre en considération l’enfant dans sa globalité ? La journée actuelle des écoliers, qui est modifiée de façon marginale par le découpage de la semaine en 9 demi-journées, date d’un texte édité par le conseil royal de 1834, qui décrétait que la semaine des écoliers serait de 5 jours, les lundi, mardi, mercredi, vendredi et samedi, à raison de 3 heures le matin, 3 heures l’après-midi et deux heures le midi pour le repas, chaque jour. Semaine qui a duré ainsi en l’état jusque 1969, date à laquelle un décret fait passer la semaine de 30h à 27h, en supprimant le samedi après-midi, mais la journée de classe ne change pas. Ce décret insiste d’ailleurs sur le fait que le matin doivent être placés les apprentissages que l’on sait demander beaucoup d’attention et de concentration, en particulier est-il écrit, les maths et le français.

En 1989 la loi d’orientation fait passer la semaine des élèves à 26h (en conservant les 27h pour les enseignants) ce qui a conduit à voir apparaître un samedi sur trois sans classe pour la concertation des enseignants. La journée n’a pas bougé. En 2008 on passe à 4 jours en supprimant le samedi matin de classe, mais les journées ne changent pas.

Or un changement intéressant sur la journée ne concerne pas son amplitude horaire mais le fait de considérer le matin comme très différent de l’après-midi pour l’ensemble des apprentissages qu’ont à faire les élèves. Avant le décret de 1969, un psychologue réputé, Alfred Binet, avait dit en 1906, « Le travail du matin est celui qui produit le maximum de rendement, il faut donc réserver la classe du matin pour le travail le plus difficile. ». Il demandait aux enseignants de faire bénéficier les écoliers de la « clarté mentale de la matinée ».

Dans le cadre d’une refondation de l’école, il semble important de revisiter l’organisation des journées de classe, ne serait-ce que pour qu’elles répondent le mieux possible aux connaissances que l’on a depuis plus de 50 ans, sur les rythmes biologiques. En particulier, on sait que la courbe de cortisol, hormone dite du stress, dont la secrétion nous permet tout au long de la journée de réguler au mieux notre stress, connaît une pointe juste avant le réveil pour atteindre son taux le plus élevé au lever : la sécrétion du cortisol contribue ainsi à l’activation générale de l’organisme. Ce taux est relativement élevé tout au long de la matinée mais diminue en début d’après-midi au moment du creux méridien. La sécrétion de cortisol diminue ensuite ainsi tout au long de l’après-midi et en soirée pour être presque nulle en début de nuit. C’est ce qui permet d’affirmer que le matin ne peut être considéré comme identique à l’après-midi pour la disponibilité aux apprentissages, quels qu’ils soient. Il ne suffit donc pas de diminuer d’une demi-heure l’après-midi en conservant des matinées identiques pour que les enfants réussissent mieux leurs apprentissages.

Il nous faut ici d’ailleurs rappeler qu’avant 2008, la semaine des écoliers était à 4,5 jours, ce qui n’a pas empêché l’école française d’être très mal classée internationalement, tant dans les classements pisa que ceux évaluant la qualité de vie dans les classes ainsi que le stress. Ce qui signifie qu’on ne peut pas croire au miracle du retour à la semaine de 9 demi-journées pour que la réussite de tous les enfants soit au rendez-vous. J’ajoute que les élèves qui ont participé aux évaluations Pisa qui viennent d’être publiées avaient 15 ans au moment des évaluations, ce qui signifie qu’ils ont fait tout leur cursus primaire sur …. 4,5 jours ! qui plus est avec les programmes de 2002, ceci pour dire que les changements à venir dans les programmes ne peuvent pas non plus constituer une pilule miracle pour faire mieux apprendre les enfants les plus en difficultés.

J’ose rappeler un rapport de la mission parlementaire de 2010 constituée de 15 députés dont : Yves Durand (rapporteur de la loi de refondation de 2013 !), Monique Boulestin, Martine Faure, Michel Françaix, Jeanny Marc, Marie-Hélène Amiable, Yvan Lachaud, les autres étant des députés de l’UMP. Dans ce rapport il est quand même des interrogations intéressantes et des suggestions elles aussi intéressantes, à reprendre en tout cas dans des discussions politiques ; Il est dit que doit être déterminé si la semaine doit être organisée en quatre jours et demi ou en cinq jours. C'est alors qu'ils reprennent le fait que l'organiser en quatre jours et demi consisterait à rajouter une demi-journée comme le permet déjà le décret de 2008, autour de 9 demi-journées.

"On peut toutefois se demander si une organisation en demi-journées ne tendrait pas à rigidifier la gestion du temps scolaire, à la différence d'un système dans lequel les enseignements et les autres activités pourraient être répartis librement du lundi au vendredi, voire au samedi. Les avantages d'une semaine scolaire de cinq jours ne seraient en effet pas négligeables. Ils ont été particulièrement mis en évidence par les emplois du temps de l'école primaire "à la journée" que la mission a visitée à Berlin (cela correspond à ce que je propose à ceci près qu'ils y intègrent le mercredi après-midi). Dans cette école primaire, ouverte de 8h à 16h, alternent du lundi au vendredi les enseignements "classiques" avec des plages horaires dédiées aux loisirs. En organisant les activités de loisirs principalement l'après-midi, cette école met en oeuvre une organisation du temps scolaire respectueuse des rythmes de l'enfant. En outre, cet emploi du temps organisé sur cinq jours permet de consacrer beaucoup d'heures à la pédagogie différenciée, puisqu'il prévoit un nombre important de travaux en petits groupes et de classes dédoublées. Enfin cette organisation hebdomadaire implique un réel travail de coordination entre les enseignants, animateurs et éducateurs chargés des activités périscolaires, ces derniers étant placés sous la responsabilité du directeur de l'école."

Pourquoi n’a-t-on pas tenu compte de ces préconisations pour écrire le décret de janvier 2013 ? Depuis de nombreuses années, diverses communes en France ont mis en place des organisations comprenant un allongement de la matinée jusqu’à 4 heures, organisées autour de deux pauses, à la suite d’un travail mené avec les familles pour les convaincre du bien fondé d’un petit déjeuner sans sucre rapide pris avant l’entrée en classe, y compris lors de l’accueil précoce quand les enfants arrivent très tôt à l’école. Ce type de matinées de travail est ce qui existe dans la plupart des pays du monde. C’est un cadre qui permet aux enseignants de revoir leur façon d’enseigner, d’ordonnancer chaque jour leurs différentes séquences pédagogiques permettant la triple alternance quotidienne entre le travail et le repos, le mouvement et l'immobilité, le rationnel et l'imaginaire, entre la pensée logique qui relève de l'hémisphère gauche du cerveau et les émotions qui relèvent de l'hémisphère droit car il est important de ne pas privilégier les activités rationnelles au mépris des activités artistiques : celles-ci sont tout aussi importantes pour le développement de l'intelligence (voir Debré et Douady, 1962). C’est une telle alternance entre les séquences pédagogiques qui bénéficie à la disponibilité motivationnelle permanente des élèves. Toutes les matières du programme prennent place dans ce cadre, aussi bien les mathématiques, que le français mais aussi la musique, les arts plastique, l’EPS, la langue vivante, la découverte du monde, c’est en les alternant qu’on maintient la disponibilité cognitive des enfants et qu’on développe leur motivation intrinsèque, car l’enseignant peut alors jouer sur les transferts d’apprentissage entre ces matières, montrer les liens existant entre l’EPS et les maths ou entre les maths et la musique : l’enfant comprend alors le sens qu’a chacune de ces disciplines et n’en délaisse pas une au détriment des autres. L’enfant particulièrement doué en musique peut alors faire la preuve de ses potentialités et même de ses compétences, ce qui renforce son estime de soi et le valorise au regard des autres élèves, même quand il n’est pas le meilleur en maths. Cela modifie aussi le regard que l’enseignant peut porter sur chacun de ses élèves ce qui, disent-ils, leur permet de retrouver les fondamentaux de leur métier. La vigilance est l'état de réactivité à l'environnement dans lequel on se trouve quand on est éveillé.

La vigilance varie selon le moment de la journée, elle passe en particulier par un creux au moment de la pause méridienne, d’où l’importance de réguler ce moment de la journée, mais elle varie aussi selon la stimulation et la motivation personnelle : c’est là que le rôle de l’enseignant intervient fortement, et que ses pratiques pédagogiques vont avoir une influence positive ou négative sur ces variations. Comme le rappelle Paul Fraisse, une bonne motivation diminue l’amplitude des variations circadiennes des performances. C’est en organisant au mieux les temps d’apprentissage et en travaillant sur leurs contenus qu’on leur donne toute leur efficacité, car comme l’ont montré Attali et Bressoux (2002), le temps est la ressource pédagogique la plus porteuse d’efficacité de l’acte d’enseignement. Il est facile de démontrer que 6 heures bien gérées peuvent être moins fatigantes pour l’élève que 5 heures mal organisées, c’est bien aux contenus des temps, quels qu’ils soient, auxquels il faut s’intéresser afin de les organiser de manière à ce que les enfants puissent en bénéficier en permanence pour acquérir toutes les connaissances et compétences attendues dans le cadre du socle commun.

Notons ici que contrairement à ce que l’on pense souvent, cette matinée plus longue profite largement aux enfants de maternelle, les expériences réalisées à Lille depuis 17 ans, montrent que cette longue matinée permet de ne pas bousculer les enfants dans leurs apprentissages, de donner à chacun d’eux le temps qui lui est nécessaire. Comme le disent les enseignants qui travaillent ainsi depuis 1996, leurs élèves sont très concentrés le matin pour les apprentissages, d’autant plus qu’ils savent que les après-midi sont moins chargés quand il y a l’école, et ludiques avec les activités. Ainsi, il est aisé de les solliciter et de leur demander une concentration soutenue durant la matinée, à tel point que les résultats scolaires des enfants même dans un quartier dit « en difficulté », sont très prometteurs. L’intérêt pour ces jeunes enfants est qu’on ne les bouscule plus constamment, « dépêche toi de faire ceci, de faire cela », et cela permet également de les laisser aller au bout de l’activité spontanée qu’ils ont démarrée lors de leur arrivée en classe plutôt que de constamment les interrompre parce que « c’est l’heure de.. », ce qui est particulièrement frustrant. C’est une bonne façon d’éviter de développer le zapping dans les activités dès le plus jeune âge. Avec l’alternance des différents moments dans la matinée, il n’y a pas de phénomène de lassitude. De plus dans les classes des petits et des moyens, les heures de siestes nécessaires (à placer dès la fin du repas, sans récréation auparavant) s’étalent beaucoup moins sur les heures scolaires, et les enfants ont donc plus de temps de classe et de moments de sollicitation des différents adultes qui s’occupent d’eux.

Il est sans doute utile de profiter de cette réforme pour développer dans certains quartiers des classes passerelle permettant de respecter le rythme propre de chaque enfant de cet âge et de mettre en place la continuité éducative dès le plus jeune âge. Un travail entre enseignants et professionnels de la petite enfance ne peut que servir l’intérêt des tout petits et les amener à s’intégrer à l’école sans stress, ni pour eux ni pour les parents. Un tel travail sur le plan pédagogique de la part des enseignants nécessite qu’ils reçoivent une formation qui, outre une formation didactique, comprend une formation sur les pratiques à mettre en place pour développer la motivation intrinsèque des élèves à partir de la théorie de l’autodétermination, source de bien-être psychologique, tant pour les enfants que pour les enseignants (Laguardia et Ryan, 2000) ; pour donner du sens aux savoirs à transmettre ; pour ordonnancer efficacement les séquences d’apprentissage sur tous les contenus du programme, pour les rendre le moins coûteux cognitivement (Leconte, 2005) tant au cours d’une journée qu’au cours de la semaine.

Leur apprendre encore à repérer les comportements signifiants par rapport à la fatigue et à la baisse de vigilance (Leconte, 2003) et à y apporter des réponses appropriées comme lâcher une bonne plaisanterie, car le rire détend les élèves et contribue à les ramener au sujet de l’enseignement (le sens de l’humour devrait faire partie des critères de recrutement des futurs enseignants).

Nous pouvons constater que les lycées expérimentaux qui actuellement font leurs preuves dans le « raccrochage » des décrocheurs montrent que leur travail a surtout porté sur la construction chez les élèves d’une motivation intrinsèque et de leur autodétermination. L’école primaire ne peut-elle avoir vocation à développer cela chez ses élèves avant leur entrée au collège ? L’adaptation des méthodes d’enseignement et des objectifs aux besoins de l’élève, grâce à une réorganisation complète des temps de vie de l’enfant dont font partie les temps scolaires est fondamentale si on veut réellement voir des changements se produire dans le rapport de chaque enfant à l’école.

Ce n’est certes pas qu’un changement d’horaires, pas même un allégement dans le nombre d’heures, qui permettra d’atteindre cet objectif. Cela impose également une réflexion sur l’organisation des pauses (récréations) qui ne doivent surtout pas être considérées comme la cocotte minute dont on va retirer la soupape : on doit préparer les enfants à aller en récréation, en leur proposant quelques minutes de relaxation, afin que ces moments de détente ne deviennent pas des champs de bataille. Cela suppose un aménagement spatial de la cour de récréation (voir les travaux de Fortin).

Si on allonge la matinée, deux pauses dont une récréation seront alors bienvenues, ce qui permettra trois périodes d’activités alternées. De plus les expériences ainsi réalisées ont prouvé que faire entrer directement en classe, le matin, les enfants d’élémentaire au moment où ils arrivent à l’école, ainsi accueillis individuellement par leur enseignant, leur permet de s’installer tranquillement en classe, calmement, de façon détendue, et quand l’heure de commencer la classe est arrivée, le groupe dans son entier est disponible, calme, et on peut démarrer. Quand ils rentrent de la cour de récréation, ce sont des cris, des énervements, et on perd chaque matin ¼ d’h à retrouver le calme.

Tous les enseignants qui ont expérimenté cette organisation sur mes conseils confirment qu’ils ne changeraient plus. Une des craintes souvent exprimée à propos des longues matinées est la tardivité de la prise de repas ; en fait insister auprès des familles pour qu’un petit déjeuner constitutif soit pris, offrir une collation avec fruits lors de la première pause de la matinée, permet de faire tenir sans problème les enfants jusqu’à l’heure du repas. De plus il suffit de demander aux parents quelles sont les heures de repas les week-end pour être tout à fait rassurés.

L’intérêt vrai pour l’enfant doit passer conjointement par une attention à son développement global, à son éducation non uniquement scolaire, à sa place dans la famille et dans la société. Si vraiment on veut que l’école réponde aux besoins de chaque enfant tout en le préparant à la vie qui s’ouvre devant lui, deux séries de facteurs doivent être pris en considération : ceux liés aux activités d’enseignement comme les finalités, les objectifs, les méthodes, les relations éducatives, les évaluations, et ceux liés à l’élève à savoir son âge, son niveau de développement, ses conditions de vie en particulier. il faut encore être conscient que l’émiettement des temps ne rend pas service aux enfants. Paul Fraisse (1975) a bien montré que l’intérêt pour une activité est dépendant de la durée de cette activité : « La durée apparente des tâches décroit à mesure que les activités sont moins morcelées, c'est-à-dire les changements moins nombreux (...). Plus une tâche a d'unité, plus elle risque de paraître intéressante. L'unité renforce la motivation (...). Plus une tâche a une unité, plus elle paraît courte ». Ce n’est certes pas ce que développera le découpage des journées de l’enfant avec des quart d’heures de ci delà. Célestin Freinet quant à lui s’insurgeait dès 1964 contre le vrai-faux débat sur la fatigue à l’école. « Il est admis officiellement que le jeune enfant ne peut pas travailler plus de quarante minutes, et qu’il faut ensuite, dans toutes les classes, dix minutes de récréation. Or nous constatons expérimentalement que cette règle scolastique est fausse : lorsqu’il est occupé à un travail vivant qui répond à ses besoins, l’enfant ne se fatigue absolument pas et il peut s’y appliquer pendant deux ou trois heures. » Freinet va même plus loin lorsqu’il affirme crûment que « la fatigue des enfants est le test qui permet de déceler la qualité d’une pédagogie. ».

C’est dire que, quelles que soient les activités concernées, scolaires ou non scolaires, c’est bien leur unité et leur continuité qui permettront que les enfants s’y intéressent et leur donnent du sens. Et c’est cette continuité qui leur permettra de valoriser des acquis faits en classe à travers les activités non scolaires qu’ils seront amenés à faire, dans de bonnes conditions. Quant à Bachelard, il montre à quel point il est important de parler de richesse et de densité pour les temps plutôt que de parler uniquement de durée.

C’est donc bien une réorganisation complète des temps de vie des enfants, réorganisation pour laquelle chaque acteur de l’éducation - parmi lesquels les parents sont les tous premiers -, a un rôle à jouer, temps de vie dont font partie les temps scolaires ; c’est ce qui permettra de mieux adapter les méthodes d’enseignement et les objectifs aux besoins de chaque élève mais aussi à leurs compétences différenciées. Pour ce faire, on doit accorder aux activités éducatives non scolaires des temps suffisamment longs pour susciter l’intérêt des enfants mais aussi pour les faire encadrer par des professionnels qualifiés acceptant eux aussi une formation. On ne peut ignorer que le temps strictement scolaire, qui est de 864 heures annuelles (dont 72 heures de récréations !), ne correspond en fait qu’à moins de 10% du temps de vie des enfants. Un nombre important d’entre eux passe même plus de temps en collectivités, puisque pour ceux qui viennent en accueil le matin, en restauration scolaire le midi, en accueil le soir, en centre de loisirs le mercredi, pendant certaines petites vacances, ce sont plus de 1000 heures ainsi passées, soit bien plus que le temps passé en classe. Il ne paraît pas normal de considérer que seul le temps scolaire mérite d’être réaménagé, ce serait donné à considérer que ce n’est qu’au cours de ce temps que la vie de l’enfant se construit.

Rappelons nous qu’en avril 1792, Condorcet remet un rapport intitulé L'Organisation générale de l'instruction publique. Cette déclaration reconnait à l'éducation une finalité civique : « L'instruction permet d'établir une égalité de fait et de rendre l'égalité politique reconnue par la loi ». Condorcet prône une instruction en deux temps : 1) l'éducation de l'école primaire 2) L'éducation tout au long de la vie, et pour lui, cette éducation concerne évidemment aussi celle qui se fait en dehors de l’école. Les révolutions parisiennes de 1830 et 1848, qui ont mêlé sur les mêmes barricades étudiants (issus à l'époque de la bourgeoisie et de la noblesse), artisans et ouvriers, vont entraîner la formation de premières grandes associations laïques d'éducation populaire. Mais c'est avec la création de la Ligue de l’enseignement en 1866 que le vrai départ est donné. Il est simplement important de rappeler que l’éducation populaire, la Ligue de l’enseignement, ont précédé l’école obligatoire, dont il n’est pas question d’en nier l’importance ne serait-ce que pour permettre un brassage social et un apprentissage de la vie en collectivité pour tous les enfants, mais on ne peut pas non plus nier qu’avec les conditions de vie actuelles des familles, beaucoup d’enfants doivent passer beaucoup de leur temps dans d’autres structures collectives que la seule salle de classe.

C’est donc en donnant du temps à ces activités qu’on pourra les regrouper en parcours éducatifs ayant des objectifs clairement affichés, ce qui permettra d’amener les enfants à les choisir en connaissance de cause. La construction de ces parcours éducatifs pourra se faire en fonction des ressources disponibles sur le territoire, en partenariat avec tous les membres de la communauté éducative. C’est ainsi qu’ils pourront répondre aux besoins avérés de la population de chaque groupe scolaire. Mais c’est aussi de cette façon qu’on pourra mettre en cohérence ces parcours éducatifs avec le projet d’école. Cette cohérence permettra à la fois de renforcer l’estime de soi et la confiance en soi chez chaque enfant, par la mise en évidence de compétences et de potentialités jusque là ignorées, parce que celles-ci ne sont pas propres aux seuls acquis scolaires. C’est bien aussi un tel réaménagement qui permettra à tout enfant de retrouver le plaisir d’aller à l’école et celui d’apprendre, et pourra même lui donner envie de poursuivre une activité nouvelle pour laquelle il a dans ce cadre pu se découvrir une passion. Ce d’autant plus si ces activités sont assurées par des professionnels qualifiés et bien formés.

Certaines collectivités ont l’ambition d’un dispositif éducatif (comprenant le temps scolaire et l’ensemble des actions éducatives réalisées sur les temps « péri » et « extra » scolaires) visant à traiter de manière égale les enfants. Pour ce faire les communes doivent s’engager en garantissant contractuellement : - un projet concerté articulant les différents temps de l’enfant - un dispositif de pilotage et d’évaluation de la démarche et des actions éducatives - un travail conjoint de conception des projets par les différents acteurs éducatifs - une qualification des acteurs associatifs intégrant leur formation.

Mais pour répondre à cette ambition, il faut accepter un type d’organisation des temps de l’enfant valorisant chacun des temps que passe l’enfant au cours de sa semaine : une organisation s’appuyant sur 5 longues matinées de 4 heures, et répartissant les après-midii autour de deux fois deux après midi de deux heures d’enseignement et deux autres de deux heures de parcours éducatifs permet de répondre à cette ambition ce que ne permet pas un émiettement des temps d’activités sur chaque jour ¾ d’h ou même une heure. C’est une organisation qui permet aux enfants un repérage temporel facile, évite les ruptures et les transitions multiples difficiles à vivre chez les jeunes enfants, stabilise les journées au cours de la semaine autour d’un emploi du temps régulier, ce qui facilite la vie des familles.

C’est la seule organisation qui permet tout à la fois de répondre aux besoins des enfants, qui rassure les familles sur la prise en charge de leurs enfants, qui permet aux communes de zones rurales de mutualiser leurs ressources pour les faire tourner sur des après-midi différentes selon les communes, seul moyen d’assurer une équité territoriale et d’offrir à tous les enfants la même qualité de prestations. C’est encore la seule organisation qui permet de valoriser les emplois d’animateurs, qui permet même d’en créer, et surtout qui évite la précarisation de ces emplois, sans que cela ne se fasse au détriment du respect des rythmes de l’enfant. C’est aussi la seule organisation qui permet aux associations culturelles et clubs sportifs des communes de participer à la construction du projet éducatif et d’y participer.

Enfin il est évident qu’une telle organisation des journées permettrait aux enfants porteurs de handicaps de bénéficier des compléments nécessaires à leur bon développement (orthophonie, psychomotricité par exemple) sur des temps mieux adaptés tout en ne leur faisant pas perdre de temps scolaires. Ce qui est vrai également pour les enfants à Haut Potentiel, dont un pourcentage non négligeable est en échec scolaire, qui pourraient ainsi bénéficier de temps spécifiquement organisés pour eux.

Notons enfin qu’une telle longue matinée permet aux parents qui travaillent de revenir chercher leur enfant pour manger le midi ce que permet plus difficilement une sortie de l’école à 11h30. Osons encore dire aux collectivités qu’on ne voit pas bien en quoi financièrement ce serait plus difficile, si on compare ce qui se fait dans diverses villes où on aménage chaque jour 1 heure d’activités périscolaires : est-ce que 4 x 1 h est moins coûteux que 2 x 2 heures ? en terme de déplacements potentiels, la réponse est non, c’est même l’inverse. Cela a d’ailleurs été calculé dans certaines communes désireuses de mettre en place un tel projet.

Quant à la qualité possible des activités proposées, il n’y a évidemment pas photo comme on dit, parlez en donc aux parents concernés. Leur dire de plus qu’au contraire, cela ne peut que générer des emplois, quand on sait que la priorité première déclarée par le président est la lutte contre le chômage ! À raison de 10 animateurs pour une après-midi (de 12h30 à 18h30) sur une école, ceci sur 4 après-midi dans la semaine en tournant sur les écoles d’une commune ou d’une intercommunalité, plus un mercredi de 8h à 18h30, comptez le nombre d’emplois d’animateurs pouvant être créés pour couvrir toutes les écoles de France. Les parents sont rassurés car de tels animateurs deviennent des référents pour leurs enfants.

Dans une commune, il est beaucoup plus facile de mettre au « service » de ce projet les personnels déjà payés par elle, comme une bibliothécaire ou une ludothécaire : chacune pourrait alors participer à plusieurs de ces après-midi dès lors qu’on ne libère pas les mêmes dans toutes les écoles, d’où de réelles économies réalisées mais au service d’une qualité de prestations pour les enfants. Alors qu’à l’heure actuelle, telles que les organisations ont été mises en place, plusieurs animateurs associatifs rencontrés sur des territoires différents ont fait savoir qu’ils ont reçu leur lettre de licenciement. De plus on précarise les emplois d’animateurs au lieu de les qualifier, et même en les payant une heure pour ¾ d’heure à réaliser, le manque est cruel dans beaucoup de communes. Qu’en sera-t-il quand toutes les communes de France seront à la recherche de tels vacataires ? D’autre part, à la lecture de la dernière circulaire publiée par les DDCS diffusées par les préfets on est en droit de se demander où est l’ambition première de cette réforme, (pour rappel, « Afin d'améliorer les conditions d'apprentissage des élèves et de contribuer à leur réussite, une nouvelle organisation de la journée et de la semaine scolaires est mise en place dans le premier degré ». « L'objectif est d'articuler au mieux les temps scolaire et périscolaire, en visant la complémentarité entre les différentes activités proposées aux élèves au cours de la journée »), puisque cette circulaire suggère qu’une activité unique de quelque nature qu’elle soit (sportive, artistique, culturelle, scientifique et technique, environnementale, etc.), peut être proposée à des enfants sur le temps périscolaire, indépendamment de toute autre organisation, et n’est pas soumise à la réglementation des accueils collectifs de mineurs. Elle précise que les municipalités proposent aux familles d’inscrire leur enfant ponctuellement à de telles activités uniques ou celles-ci relèvent d’une inscription dans une programmation journalière d’une classe ou d’un niveau de classe !

On s’éloigne de fait de plus en plus des PEdT. On ne peut nier que l’école est actuellement en grande souffrance, les enseignants également, il est impératif de leur redonner des raisons de se remotiver pour leur métier, c’est le pari qui doit être fait avec des décisions politiques à prendre qui permettront que se construisent des partenariats entre les acteurs de la communauté éducative, pour un mieux-être des enfants mais pas uniquement. Les après-midi ainsi libérés pour les enseignants leur permettent de se consacrer à toutes leurs activités « invisibles » de façon beaucoup plus efficace et plus satisfaisante pour eux que quand ils doivent réaliser ces activités uniquement dans des temps contraints, tout comme peuvent le faire tous les enseignants du secondaire. C’est un des facteurs qui a permis de faire retrouver une qualité de vie professionnelle aux enseignants. Un rapport de la cour des comptes a montré qu’en moyenne, le temps hebdomadaire de travail total des Professeurs des Écoles dépasse 40 heures, il est normal qu’ils puissent réaliser toutes ces tâches dans les meilleures conditions possibles y compris de disponibilité intellectuelle. C'est un principe ergonomique, l'utilisation responsable de temps libérés permet toujours d'être plus efficaces que l'utilisation contrainte de ces mêmes temps. Mais il est important que l'Éducation nationale prenne conscience, comme sont en train de commencer à le faire les managers des entreprises, du lien étroit entre « bien-être au travail » et « efficacité ».

Il n’est pas du tout question de tenir compte du seul intérêt des adultes, mais il est important de ne pas ignorer que le bien-être et la réussite des enfants sont totalement dépendants de la qualité de vie professionnelle des adultes qui les accompagnent dans leur quotidien. Avoir en face de soi un enseignant en épuisement professionnel (burn-out) ou un animateur peu investi parce que non satisfait du cadre de son emploi ne peut aider à bien vivre ses temps. C’est à ce prix qu’un travail partenarial pourra être mené entre l’éducation nationale, les parents, les associations partenaires de l’école et la collectivité si on veut qu’un tel projet soit construit d’abord et avant tout dans l’intérêt de chaque enfant.

C’est bien ainsi que la co-éducation, tellement nécessaire au mieux-vivre des enfants, pourra s’installer, se développer, et devenir un état de fait. D’autant qu’on ne peut ignorer que cette construction partenariale va générer un vivre ensemble nouveau au sein des quartiers qui ne peut que servir l’intérêt de chaque enfant. Mais une fois la rédaction du projet réalisé, il faudra que le partenariat enseignants-animateurs se poursuive, qu’il y ait des échanges bien réels entre les activités scolaires et celles réalisés dans les temps éducatifs non scolaires. Il n’est nullement question de confondre les activités professionnelles des uns et des autres, mais l’école a tout à gagner si elle peut compter, en complément de sa transmission de savoirs et de connaissances, sur des acquisitions faites par les enfants en dehors de leurs temps d’élèves. C’est dans les échanges entre ces professionnels que des transferts d’acquisitions pourront se réaliser et permettre aux enfants d’acquérir plus rapidement une autonomie dans leur travail scolaire. L’activité faite en arts plastique dans les temps éducatifs non scolaires peut tout à fait venir en interactions avec celle qui est faite en classe, et/ou se faire sur d’autres modalités, il en est de même pour toute activité dite d’éveil, que ce soit la musique, ou encore l’EPS. Pour l’enfant, ce sera une richesse de faire des activités qui se ressemblent sous des formes et avec des encadrements différents. Il perçoit mieux dans ces conditions, ses réelles capacités. C’est aussi une richesse pour les enfants de pouvoir prendre conscience que les acquis faits en classe ne servent pas qu’à avoir de bonnes (ou mauvaises) notes à l’école, mais ont réellement une utilité en dehors de l’école. De plus pour qu’un tel partenariat existe et perdure, outre la bonne volonté des différents professionnels, il faut que puisse être institutionnalisé un temps de rencontre.

Mais il faut être conscient qu’une telle construction nécessite du temps, du temps de réflexions, du temps de concertation, du temps de montage ensemble. Comme le disait Cervantès, dar tiempo al tiempo, repris par le Président Mitterrand qui réclamait de donner du temps au temps. Et acceptons qu’une telle organisation autorise vraiment une réforme de l’école à se mettre en route, mais ne peut aussi que générer un « retour sur investissement ». En effet des projets éducatifs bien construits et bien menés permettront à moyen terme de réelles économies tant au niveau de l’état que des collectivités : améliorer le bien être de tous les enfants dès le plus jeune âge et le plaisir d’aller à l’école fera faire des économies sur les frais de santé des personnels, sur les besoins de prise en charge dans l’après coup des enfants développant certaines difficultés, sur le taux de redoublement (étude de la DEP, 2004, l’abandon du redoublement permettrait 1,1 milliard d’euros d’économies), sur le décrochage. La fatigue et le stress ont aussi un coût : celui des maladies plus nombreuses des enfants, de l’absentéisme des enseignants mis à rude épreuve, celui des parents qui doivent garder leurs enfants malades.

De plus les expériences passées ont montré que le fait de développer d’autres rapports entre les enfants, mais aussi entre l’école et les familles, a réellement un impact sur le climat d’école, sur la vie dans le quartier, sur la violence au sein de l’établissement. Alain Bollon a déclaré, à juste titre, que les CLAS ont vocation à disparaître ! De fait si on parvient à faire cette réforme le plus intelligemment possible, ce sont de nombreuses difficultés d'apprentissage que l'on éviterait de faire apparaître, dès le plus jeune âge : en effet, un projet éducatif de qualité, donnant de la cohérence à tous les temps de l'enfant, permettant une continuité éducative grâce à la synergie mise en oeuvre entre les temps scolaires et les temps non scolaires, répond aux attentes des CLAS :"insister sur l'importance de l'assiduité à l'école (c'est quand on a plaisir à y aller qu'on comprend cette importance), sur la régularité et l'organisation du travail personnel (il suffirait déjà qu'on fasse comprendre aux enseignants qu'ils doivent cesser de donner des DEVOIRS mais doivent donner du travail personnel, permettant à l'enfant d'apprendre à s'autoévaluer, à découvrir ce qu'il sait ou ne sait pas faire tout seul, ce qui implique une correction en classe de ce travail totalement différente de celle, classique, des devoirs), sur la méthodologie (d'où l'importance de la mise en synergie des acquis faits par les enfants dans des temps différents, et des transferts d'apprentissage). Ils encouragent le goût de la culture la plus diversifiée, l'envie d'apprendre et le plaisir de découvrir (sans commentaire, mais il est triste qu'un ministère admette que l'éducation qu'il donne ne permet pas ces acquis de façon naturelle !). Ils s'attachent à renforcer, grâce à un accompagnement personnalisé, le sens de la scolarité et la confiance des enfants et des jeunes dans leurs capacités de réussite (idem) ». Sans compter qu’à long terme, des enfants qui apprennent mieux, qui sont heureux d’aller à l’école, font un pays plus performant, plus compétitif, plus créatif.

Oui un tel projet éducatif ne sert rien d’autre que l’intérêt de chaque enfant, lui permet de croire en une autre réussite éducative, mais il ne peut effectivement jouer ce rôle qu’à la condition que les acteurs y œuvrant aient eux aussi un bien-être quotidien leur permettant de s’investir totalement au mieux de leurs compétences dans tous les temps imposés aux enfants. D’où l’importance, pour sauver cette « réforme », d’accepter de déverrouiller le texte du décret et de modifier la semaine de 9 demi-journées pour la remplacer par une semaine de 5 jours, comme cela existait jusqu’en 2008. Car on ne peut croire naïvement au seul miracle d’un rajout d’une 9ème demi-journée pour que les enfants actuellement en grandes difficultés voient celles-ci disparaître. D’autant qu’on ne peut que constater que l’étalement des temps d’apprentissage espéré par le ministère sur 9 demi-journées est loin de se réaliser au mieux des besoins des enfants : un mercredi matin de deux heures a-t-il vraiment une utilité pour mieux apprendre ? Alors que d’expériences vécues, cinq matinées de 4 heures permettent vraiment cet étalement, sans imposer que les seules matières dites fondamentales puissent bénéficier de ces bons moments de disponibilité des élèves.

Il est urgent que l’école en cours de refondation permette à chaque enfant d’apprendre à apprendre, d’apprendre à réfléchir, d’apprendre à découvrir, si on veut qu’elle retrouve le rôle d’ascenseur social qu’elle n’aurait jamais dû perdre. Se contenter de supprimer ¾ d’h chaque jour ne peut répondre à cette attente.