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M. Hamon, pourquoi copiez-vous Darcos plutôt que Jospin ?
Le 25/04/2014
M. Hamon, pourquoi copiez-vous Darcos plutôt que Jospin ?
Mes réactions au texte à paraître
Claire Leconte
Quel drôle de pays que la France qui s’obstine à chercher des solutions sur des problèmes qu’elle est seule à se créer. Aucun autre pays au monde ne se préoccupe des « rythmes scolaires », pour améliorer le fonctionnement de l’école. La France est focalisée là dessus depuis des décennies, tout en ne trouvant jamais le bon « rythme », parce qu’elle ne le cherche pas là où il faudrait le chercher.
Tout comme j’ai pu l’écrire en 1998,[1] Sue et Caccia (2005)[2] mettent en garde contre la tentation de limiter le traitement des questions de rythmes scolaires à la seule approche de la chronopsychologie : « Il ne s’agit pas d’attribuer à la chronopsychologie des pouvoirs miraculeux pour lutter contre l’échec scolaire. » Pour eux, il faut aussi « éduquer les enfants pour qu’ils sachent eux-mêmes à quels moments ils sont fatigués et qu’ils puissent l’exprimer ». Ce que pourtant, n’a pas manqué de faire Vincent Peillon.
On est aussi très frappé de constater que les ministres se suivent et reprennent sans cesse les mêmes recettes qu’ils espèrent miraculeuses pour une meilleure réussite des élèves, mais sans jamais se préoccuper des travaux antérieurs qui ont pu être conduits et apporter des conclusions utiles.
J’ai ainsi de nombreux rapports de recherche qui ont été régulièrement remis aux ministères, qui, s’ils avaient été lus, auraient évité de recommencer les mêmes erreurs qu’antérieurement.
Par ailleurs, il me semble que les ministres auraient aussi pu s’inspirer du travail d’analyses mené par Kassimi, de Peretti et Bautier,(1999) [3]. En voici quelques extraits :
« Depuis une quinzaine d’années, quand on parle d’amélioration du fonctionnement de notre système éducatif la question de l’aménagement des rythmes scolaires refait régulièrement surface. (…..) . Tous s’accordent à dire que la répartition déséquilibrée des enseignements sur la journée, la semaine et l’année engendre ou (sur)ajoute à la fatigue des élèves, fatigue qui agit sur l’efficacité des apprentissages. Cependant, derrière ce constat d’évidence on peut s’interroger sur la nature des relations qui se tissent dans les différents discours entre fatigue, rythmes scolaires et apprentissages.
Il semble que si depuis 1990 les objectifs assignés à la politique d’aménagement des rythmes scolaires ont été stabilisés, outre le flou qui les caractérise et dont nous avons déjà parlé, rien ou presque n’est dit sur la nature des relations nouant les objectifs. Doit-on comprendre que le respect des rythmes de vie des enfants et des jeunes leur assurera développement harmonieux et réussite scolaire ? Ici, la juxtaposition risque de tenir lieu de relation causale qui elle-même relève de l’évidente équation : meilleurs rythmes = meilleurs résultats scolaires. L’analyse des circulaires révèle donc que la politique relative aux rythmes de vie des enfants repose sur un allant de soi. ».
Un peu plus loin, à propos des populations concernées :
« Il semble donc qu’il y ait un grand trouble quant à l’identification des populations concernées par la politique ARS. (….). Au vu des textes, c’est une politique qui concerne tout le monde mais qui est plus " efficace " avec les pauvres. Cependant, étant donné le flou des objectifs assignés à cette politique, on peut se demander de quelle efficacité il s’agit, à quels résultats il est fait référence puisque toutes les évaluations précédemment menées ont montré qu’il ne s’agit pas de résultats scolaires. »
« Ainsi, s’il semble que l’ARS permette à de nombreux élèves de pratiquer des activités sportives, culturelles… qu’ils n’auraient sans doute jamais pratiquées, avant de conclure à la réduction des inégalités encore faut-il s’interroger sur la nature des activités pratiquées et plus encore sur ce qui se joue, sur ce qui est mobilisé par les élèves pendant l’activité. »
Quant à l’aspect politique du problème, voic quelques constats déjà faits en 1999 :
« Nombreux sont les sites dans lesquels le projet d’ARS est instrumentalisé par les élus locaux à des fins plus ou moins directement liées à l’école. Un membre du comité d’évaluation d’Angoulême se demande même si " l’ARS ne représente pas une relative prise de pouvoir des collectivités locales sur l’école ". »
« Un autre site illustre quant à lui les risques de récupération politique auxquels est exposé le dispositif quand les représentants de l’État laissent le champ libre aux élus locaux. »
C’était exactement les raisons pour lesquelles j’avais demandé, lors des ateliers pour la concertation sur la refondation de l’école à l’été 2012, qu’on cesse de parler de « rythmes scolaires » et qu’on s’intéresse à l’aménagement des temps des enfants permettant de travailler sur la construction partenariale d’un projet éducatif, lui-même autorisant une réflexion de fond sur les contenus des temps ainsi que sur les pratiques et les méthodes pédagogiques mises en œuvre pour gérer au mieux des besoins des enfants l’ensemble de ces temps.
Outre le fait qu’il m’avait alors été renvoyé que le terme « rythmes scolaires » étant bien rentré dans la tête des gens, il valait mieux le conserver (même si personne ne sait ce qu’il signifie), je me demande aujourd’hui si en fait ce n’était pas un bon moyen d’occuper les esprits et leur faire croire ainsi qu’on s’intéressait vraiment à refonder l’école. J’avais en son temps accusé Luc Châtel « de surmédiatiser un problème mal posé pour mieux masquer la destruction programmée de l’école républicaine », mais j’en suis à me demander si la même pièce n’est pas en train de se rejouer.
Par exemple, pourquoi le gouvernement actuel, dit de gauche, donc en principe avec d’autres valeurs pour défendre l’école publique française que le gouvernement précédent dont le seul objectif était de récupérer des postes, s’obstine-t-il à copier le décret Darcos plutôt que de reprendre les textes Jospin ?
Ce décret de 2008 disait : L’article 10-1 du décret du 6 septembre 1990 susvisé est modifié ainsi qu’il suit : V - Au sixième alinéa, les mots : “5 jours” sont remplacés par les mots : “9 demi-journées”.
Après la loi Jospin en 1989, dont l’article 1er déclare que « l’école favorise l’ouverture de l’élève sur le monde et assure, conjointement avec la famille, l’éducation globale de l’enfant », est paru le Décret no 91-383 du 22 avril 1991 relatif à l'organisation du temps scolaire dans les écoles maternelles et élémentaires. Ce décret ajoute un article permettant des organisations dérogeant aux règles fixées par arrêté ministériel pour lesquelles les aménagements prévus ne peuvent avoir pour « de porter la durée de la semaine scolaire à plus de cinq jours ».
Il est ensuite rappelé[4] que l’organisation du temps scolaire étant essentielle pour la réussite des élèves, elle doit avant tout être basée sur des critères pédagogiques et faciliter les apprentissages. « Il convient, cependant, de rappeler que tout enfant a un rythme de vie propre qui n’est pas seulement limité au temps scolaire .
Afin d’éviter toute surcharge du temps de l’enfant, plus global que le temps de l’élève, l’organisation du temps scolaire doit tenir compte, dans la mesure du possible, de ce temps plus personnel, hors de l’institution scolaire ».
Lors des ateliers de concertation, j’avais rappelé que le temps scolaire ne représente que 10% du temps de vie de l’enfant, qu’il était donc important de s’intéresser aussi aux autres temps de vie de cet enfant, ne serait-ce qu’à la régularité de son rythme veille-sommeil. J’avais alors été bien chambrée par la co-présidente de l’atelier qui m’avait dit qu’elle me promettait qu’on inscrirait dans le rapport pour le projet de loi qu’une formation sur les rythmes des enfants devraient être donnée aux familles ! Soit ! C’est exactement ce que j’ai fait depuis 15 mois à des dizaines de milliers de personnes reconnaissant leur ignorance.
En 1995 Jacques Chirac, élu président, décide de satisfaire rapidement une de ses promesses de campagne, « réformer les rythmes scolaires ». Il charge son ministre Jeunesse et Sports de ce dossier, qui très rapidement fait co-signer par François Bayrou, ministre de l’éducation nationale, et Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture, une circulaire parue en octobre 1995 lançant des expérimentations relatives aux rythmes scolaires.
L’instruction N° 97 – 018 JS, publiée pour la rentrée 1997-1998 et permettant d’instruire les dossiers de candidature pour être « sites pilote », pointait comme critère de labellisation le fait de respecter que « la semaine scolaire soit organisée sur au moins cinq jours ».
Ça n’est donc que le décret Darcos qui a cru bon revenir sur ce découpage de la semaine et décider de la découper en 9 demi-journées. Pourquoi ?
D’autant que deux ans plus tard, un rapport parlementaire co-rédigé par Yves Durand (rapporteur de la loi de refondation de l’école de Vincent Peillon) écrivait : « On peut toutefois se demander si une organisation en demi-journées ne tendrait pas à rigidifier la gestion du temps scolaire, à la différence d’un système dans lequel les enseignements et les autres activités pourraient être répartis librement du lundi au vendredi, voire au samedi.
Les avantages d’une semaine scolaire de cinq jours ne seraient pas négligeables en effet ».
… « D’autre part, sur le plan éducatif, l’école à la journée a pour ambition de développer des compétences chez l’élève (« individuelle, méthodologique, sociale, etc. »), en alternant l’enseignement et les activités périscolaires, de façon à ne pas séparer la socialisation de la pédagogie, et en faisant ainsi de l’école un « lieu de vie » et non de cours. »
De fait qui a un jour entendu parler de semaine de 8 demi-journées pour évoquer la semaine de 4 jours ?
La proposition de texte de Benoit Hamon ne s’intéresse à nouveau qu’à des aspects quantitatifs, d’horaires, d’emplois du temps, et nullement à ce qu’un ministère de l’Éducation nationale devrait faire, à savoir quels contenus, pour quoi faire et comment ?
Comment utiliser au mieux les temps strictement scolaires pour qu’ils permettent aux enseignants de se repositionner dans leurs pratiques et méthodes d’apprentissage, dans les systèmes d’évaluation également, afin de développer chez chaque enfant le désir d’apprendre, le plaisir d’apprendre, de comprendre, de découvrir, développer sa motivation intrinsèque au final.
Le décret du 24 janvier 2013, dit décret Peillon, avait aussi une approche totalement quantitative, le seul objectif apparaissant clairement étant « d’alléger la journée d’enseignement ».
Je me dois ici de dire qu’en 1969, une modification conséquente a été faite par Olivier Guichard, alors ministre de l’éducation nationale, puisqu’il a ramené la durée de la semaine scolaire de 30h à 27h et a supprimé le samedi après-midi de classe. On ne parle pas alors du tout de « rythmes scolaires ». L’arrêté du 2 août 1969 a comme objet « l’aménagement de la semaine scolaire et la répartition de l’horaire hebdomadaire dans les écoles élémentaires et maternelles». Il s’appuie sur les textes de 1887 pour redéfinir l’organisation de la journée et de la semaine, mais sans le contraindre dans le texte, signifiant simplement que les horaires des disciplines maths et français seront groupées de préférence pendant les matinées. Mais la circulaire d’application en date du 2 septembre 1969 révèle une réelle ambition pour ce changement : Il y est dit qu’il faut repérer dans ce texte les dispositions qui, en définissant de nouveaux horaires, ouvrent la voie à une transformation graduelle de l’enseignement préscolaire et élémentaire. Il dit encore que l’arrêté présente un nouvel horizon conforme aux vœux de la commission ministérielle de rénovation pédagogique : il n’impose pas une transformation subite et générale qui ne tiendrait compte ni des possibilités diverses d’attention des élèves suivant leur âge, ni de la structure des classes, ni des contingences du milieu de vie des enfants. (…) Des aménagements seront nécessaires avant de parvenir à une application stricte d’un texte qui vaut surtout pour l’ouverture qu’il offre à l’imagination créatrice des maîtres et à la recherche pédagogique !
Faire tomber les cloisons étanches qui avaient pu être établies entre les diverses disciplines , dépasser la notion contraignante de programme, voilà ce qui semble possible et souhaitable dans une école en train de se réformer !(….)
C’est donc à un mouvement novateur d’expérimentation et de recherche que l’arrêté du 7 août 1969 souhaite donner l’élan. (…)
En d’autres termes, l’arrêté du 7 août 1969 n’est pas une mesure rigide sacrifiant à un modernisme incontrôlé ; c’est, dans son laconisme, un texte propre à engendrer le mouvement et à permettre le progrès pédagogique grâce à des adaptations successives pour le plus grand bien des élèves dont l’enseignement préscolaire et élémentaire a la responsabilité.
Et bien je n’ai rien trouvé de cela ni dans le décret Peillon ni dans le texte en cours de rédaction de Benoit Hamon, on ne s’intéresse qu’au nombre de jours dans l’année, moindre que dans les autres pays.
Dans ce texte on voit encore que les temps de récréation (10 mns chacune) sont prélevés sur chacun des 4 groupes principaux de disciplines. Au CP et CE 2 récréations sont prévues le matin et 2 l’après-midi, soit 3 h au total. Au CM une seule récréation sera prévue pour chaque demi-journée soit 1h ½ au total.
Pense-t-on vraiment qu’on a beaucoup évolué en ce qui concerne la gestion des temps des enfants ?
Car plus fort encore que M. Peillon, M. Hamon prétend assouplir alors qu’il rigidifie le découpage. Est-on conscient qu’il faut remonter au texte de 1887 organisant de manière nationale la journée scolaire pour trouver un découpage en 3h le matin et 3h l’après-midi déjà en place depuis 1834 ?
Le gouvernement actuel nous a vendu une refondation de l’école, et pour ce faire, il retourne aux textes de 1887 pour « réformer » le temps scolaire ! On croit rêver ! La question que je me pose dès lors, et qui fait suite à des échanges que j’ai pu avoir précédemment avec le Directeur Général de l’Enseignement Scolaire entre autres, est : « le ministère a-t-il si peu confiance dans les enseignants et leur capacité à gérer de façon autonome l’organisation de leurs temps scolaires qu’il se sent obligé de redéfinir des cadres stricts (qui n’en sont pas au final puisque dans tous les emplois du temps que j’ai vus chacun s’approprie comme il lui chante le découpage imposé) en découpant la semaine en demi-journées et qui plus est, en fixant des bornes à chacune de ces demi-journées ? ». La question de la rigidification de la demi-journée à 3h30 (dérogatoire dans le texte Peillon) a été posée à la conseillère de Benoit Hamon, la même que celle de Vincent Peillon. Sa réponse fut que des nutritionnistes lui auraient dit que plus de 3h30 n’est pas tenable pour les enfants. Deux questions dès lors : le ministère aurait-il donc changé d’experts nutritionnistes en changeant de ministre ? Comment font les enfants alsaciens, mais aussi lillois, ou encore spinaliens, munstériens, moulinois, qui depuis très longtemps travaillent sur des matinées de 4 h ? Sans compter tous les enfants de nombre de pays d’Europe et du monde qui travaillent ainsi depuis … toujours !
Quelle autre raison si non ? On aimerait la connaître.
De nombreuses études ont montré que l’une des difficultés actuelle de tous les enfants est leur incapacité à maintenir leur attention qui doit être reconquise par les enseignants. Ce ne peut se faire que si ces enfants perçoivent un réel intérêt dans les apprentissages qu’on leur fait faire, intérêt qui ne doit pas être que scolaire, mais aussi si ils se sentent participants, « acteurs de leurs apprentissages » comme le disait déjà Freinet. Cela nécessite d’autres organisations des temps scolaires que celles qui continuent de découper ces temps sur le plus de demi-journées possibles. Paul Fraisse (1975) a pourtant bien montré que l’intérêt pour une activité est dépendant de la durée de cette activité : « La durée apparente des tâches décroit à mesure que les activités sont moins morcelées, c'est-à-dire les changements moins nombreux (...). Plus une tâche a d'unité, plus elle risque de paraître intéressante. L'unité renforce la motivation (...). Plus une tâche a une unité, plus elle paraît courte ».
Ce pour quoi nous avons pu montrer que cinq longues matinées de 4 heures autorisent cette mobilisation attentionnelle. Non Monsieur Hamon, contrairement à ce que vous pensez ou qu’on vous fait penser, l’attention des enfants et leur disponibilité aux apprentissages ne se situent pas qu’entre 9h et 11h, mais cela dépend fortement de la qualité de l’organisation pédagogique des différentes séquences d’apprentissage.
On a l’impression que le ministre répond d’abord à la fronde des communes qui ont déclaré refuser de partir en 2013, puisqu’il semble répondre entre autres aux demandes de communes de zones rurales qui ne peuvent recruter d’animateurs pour des ateliers très courts, ce que je ne vais pas contester puisque je n’ai sans cesse moi-même dit que libérer complètement des après-midis permet aux communes rurales de mutualiser le peu de ressources que chacune possède et de les mettre au service de tous les enfants de toutes les communes en ne libérant pas les mêmes après-midi.
Mais alors pourquoi bloquer les choses sur 8 demi-journées, avec qui plus est des matinées de pas plus de 3h30 ? Où est le problème pour les écoles qui depuis de très nombreuses années, fonctionnent sur des matinées de 4 h, comme ce fut le cas en Alsace entre autres ? Le ministre est-il allé voir dans les autres pays, d’Europe, mais aussi au Canada, en Afrique, etc, où les longues matinées de classe sont une habitude acquise depuis très longtemps ? En France on continue de penser que l’après-midi est équivalent à la matinée, alors que Binet, psychologue de l’enfant, disait en 1906 aux enseignants de « faire bénéficier leurs écoliers de la clarté mentale de la matinée » ! Car avec 8 demi-journées, si les matinées ne peuvent être que de 3h30, on aura alors encore forcément 3 AM de plus de deux heures d’enseignement. Et quelle durée pour l’après-midi d’activités ? 2h10 comme les autres ? donc pas trois heures d’activités comme initialement prévues.
Les enfants de maternelle en particulier perdent ainsi beaucoup de temps d’apprentissages, car les après-midi sont presque inutilisables. Mais les autres aussi puisque les travaux de Testu souvent pris en référence montrent bien que seuls les enfants de Cours Moyen voient leurs capacités attentionnelles en bonne reprise (quoi que pas forcément aussi bonnes que le matin) après le creux méridien.
Quand je dis penser au fait qu’on répond avant tout à la fronde des communes, c’est qu’il est aussi dit que des « adaptations du calendrier scolaire » pourront permettre à quelques communes de prévoir le report de quelques demi-journées de classe sur les vacances d’été : on pense là forcément à la demande émanant d’une députée de Haute Savoie, qui a obtenu que 8 mercredi entiers soient libérés au cours de la saison d’hiver pour permettre aux enfants des communes de Combloux, Megève, Praz sur Arly, entre autres, d’emmener leurs enfants, forcément les futurs champions français, faire du ski tout ce mercredi.
Mais alors, pourquoi accepter des adaptations particulières pour ces communes, plutôt que de leur souffler qu’elles pourraient faire l’école le samedi matin ! Et ne pas avoir ainsi à revenir une semaine plus tôt en août.
À côté de ces adaptations très particulières, pour des projets jugés par le ministre, « de qualité », on refuse les vrais projets de qualité construits par d’autres toutes petites communes de Haute Savoie mais qui elles, au contraire, veulent pouvoir faire découvrir à leurs enfants d’autres activités que le ski qu’ils font régulièrement. Mais ces activités nécessitent qu’on les emmène à l’extérieur de la commune, donc demandent du temps, et ces communes ont libéré deux après-midi pour se faire, les enseignants ayant réparti leurs 24 h au mieux des besoins des enfants, en particulier en renforçant les 5 matinées de classe.
Et ce qui est aussi assez choquant est de lire que visiblement ce travail demandé par les communes souhaitant expérimenter une autre organisation dans l’intérêt de leurs enfants, ne sera retenu que pour trois ans, et ensuite ? de plus des évaluations devront être menées (ce que je ne conteste pas, je suis la première à les réclamer, mais de vraies évaluations, pas celles au doigt mouillé consistant à demander aux maires s’ils sont satisfaits de ce qu’ils ont mis en place), pour prouver le bien-fondé d’une telle organisation alors que personne ne s’interroge sur celles mises en place sur 9 demi-journées, à la va-vite, en 2013 : pourtant le ministère aurait raison de s’inquiéter, car des emplois du temps où on ne met que deux heures le mercredi matin, pour ne pas rentrer en conflit avec les parents qui se plaignaient que leurs enfants perdent cette journée de repos, ceux où jamais rien de régulier ne se fait chaque jour, d’abord pour occuper plus longtemps les mêmes animateurs, mais au mépris le plus complet du bien-être des enfants, ou celles encore où on ne fait que deux très courtes après-midi pour donner du temps aux activités non scolaires, qui montrera que c’est vraiment mieux pour l’enfant ?
Une semaine de cinq jours, implique forcément l’obligation de cinq matinées, il n’est pas utile de le rappeler, mais cela donne aux enseignants la liberté de répartir leurs 24 h au mieux des besoins de leurs élèves, pas en restant sur la journée de l’écolier décidée en 1834.
On peut alors organiser ces 24 h sur 7, 8 ou 9 demi-journées, au choix des enseignants, des parents et des communes, mais on permet surtout à tous ceux qui veulent un vrai changement dans les méthodes d’apprentissage puissent les mettre en œuvre. Cela ne créera pas plus de disparités que celles qui existent aujourd’hui avec les 9 demi-journées où on voit même des emplois du temps différents d’une école à l’autre dans une même ville.
Alors pourquoi interdire cette liberté pédagogique ?
Mais a-t-on vraiment envie de faire que chaque enfant puisse réussir au mieux de ses potentialités ?
Pourquoi ne rappelle-t-on pas le rôle incontournable des parents dans l’éducation de leurs enfants, y compris leur responsabilité dans la nécessité, reconnue par beaucoup d’études récentes, de respecter le plus possible une régularité dans le rythme veille-sommeil de leurs enfants ? L ‘importance également du petit-déjeuner avant d’entrer en classe ?
Mais pourquoi aussi n’insiste-t-on pas sur la nécessité de construire de façon partenariale des projets éducatifs ayant du sens pour les enfants, alors que visiblement on laisse encore la liberté aux collectivités de mettre ou pas quelque chose en place respectant les besoins de chaque enfant et de chaque famille. Ce qui, évidemment, nécessiterait que l’état s’implique dans ces constructions de projets, ce que visiblement, il ne veut pas faire.
On ne va donc pas résoudre les différences territoriales déjà visibles actuellement.
Par ailleurs que dira ce texte pour les communes parties précipitamment en 2013 et souhaitant revenir sur le modèle mis en place ?
Le texte acceptera-t-il que des communes, forcément pas prêtes pour le mois de juin prochain, pour présenter un autre modèle nécessitant plus de construction partenariale, puissent présenter un tel projet pour la rentrée 2015 ? Ce serait bien le moins pour respecter l’égalité de traitement entre écoles.
Le décret Peillon aménageait à la marge l’organisation des emplois du temps scolaires, le texte de Benoit Hamon semble aller vers un aménagement à la marge du décret Peillon, en le rigidifiant même sur certains aspects.
Parviendra-t-on enfin, après les prochaines consultations, à voir un texte autorisant de réelles modifications allant dans le sens de l’intérêt des enfants, et ne continuant pas de mettre sur le côté des projets existants depuis des décennies et ayant largement fait leurs preuves quant à la satisfaction de l’ensemble des personnes concernées dont les enfants ?
Jean-Paul Delevoye, qui a présidé le Comité d’Évaluation et de Suivi de l’Aménagement des Rythmes de l’Enfant mis en place par ce ministère, écrit en 1999 : « Nos enfants sont notre vraie richesse, mais aujourd’hui comment assurer à chacun d’entre eux le maximum de chances voire de chances égales ? L’école de la rue et l’école parentale sont souvent en contradiction voire en opposition avec l’école républicaine qui ne peut suppléer ces défaillances sociétales. C’est pour cela que nous affirmons que notre réflexion sur l’aménagement du rythme scolaire est vouée à l’échec si elle ne s’inscrit pas dans le seul cadre qui vaille, « l’aménagement du rythme de l’enfant » pris dans sa globalité. [….]. Chaque vie a besoin d’un projet et il nous faut donner un sens à la vie. Ceci nous oblige à former nos enfants à être responsables et non dépendants : c’est tout le sens de la réflexion que nous vous livrons avec un seul objectif : l’enfant, son épanouissement et sa capacité demain à gérer ses propres choix, c’est-à-dire à être libre mais surtout à être libre dans la façon de vivre sa liberté ». (In ¨Pour une approche globale du temps de l’enfant », La Documentation Française, 1999, que je vous invite fortement à lire).
Dans la loi de Juillet 2013, on peut lire : « Si les problèmes les plus évidents se manifestent dans le second degré avec des élèves sortant précocement du système scolaire ou avec des élèves qui subissent leurs orientations, les difficultés scolaires se forment dès le premier degré.
A l'issue de leur scolarité à l'école primaire, on constate que 25 % des élèves ont des acquis fragiles et 15 % d'entre eux connaissent des difficultés sévères ou très sévères. »
Monsieur Hamon, les élèves évalués pour Pisa en 2012, (parues en 2013) avaient 15 ans à l’époque de leur évaluation, c’est dire que tous les apprentissages premiers nécessaires à la réussite au collège ont été faits à l’école primaire avant 2008, soit avec les programmes de 2002 et sur une semaine de 4 jours et demi. C’est donc un changement en profondeur dans l’école qui doit être fait. L’adaptation des méthodes d’enseignement et des objectifs aux besoins de l’élève, grâce à une réorganisation complète des temps de vie de l’enfant dont font partie les temps scolaires est fondamentale si on veut réellement voir des changements se produire dans le rapport de chaque enfant à l’école. Ce n’est certes pas qu’un changement d’horaires, pas même un allégement dans le nombre d’heures, qui permettra d’atteindre cet objectif.
Cela impose également une réflexion sur l’organisation des pauses (récréations, pause méridienne), des espaces qui vont avec, ne plus laisser les enfants s’énerver le matin dans la cour avant d’entrer en classe, etc,
Et ce n’est pas juste le fait d’avoir 8 demi-journées bloquant les matinées à 3h30 qui permettra la mise en route de ce chantier pour refonder l’école, pourtant urgent à mener.
Toujours dans cette loi, on lit que « Le premier enjeu de la refondation est essentiellement qualitatif. La qualité d'un système éducatif tient d'abord à la qualité de ses enseignants. » « De nombreuses études attestent l'effet déterminant des pratiques pédagogiques des enseignants dans la réussite des élèves. Enseigner est un métier exigeant qui s'apprend. »
M. Hamon, si réellement vous voulez, comme vous le déclarez régulièrement, remettre plus de justice et plus d’égalité au sein de l’école, il faut lui donner la possibilité d’innover, de modifier profondément son fonctionnement actuel ; ce n’est pas en lui demandant de s’organiser temporellement comme en 1887 que vous pourrez le faire. Il faut croire en la capacité d’inventer des formes nouvelles d’apprentissage chez les enseignants, mais il faut pour cela répondre à leur aspiration première : avoir du temps, pour travailler entre collègues, pour faire des recherches, pour construire des séquences d’apprentissage innovantes, pour étaler au mieux des besoins de leurs élèves toutes leurs séquences pédagogiques.
Revenez à un texte comme celui qu'avait écrit Lionel Jospin pour mettre en oeuvre la loi d'orientation de 1989, permettant d'organiser les temps scolaires sur 5 jours, du lundi au samedi, avec aucune des journées ne dépassant 6h scolaires et une organisation permettant que de vrais parcours éducatifs prennent place sur les temps libérés dont les contenus pourront entrer en synergie avec le projet d’école. Ainsi en une phrase, vous insistez sur l'importance de 5 matinées sur la semaine, chaque enfant pourra alors bénéficier au mieux de tous les temps composant ses journées et sa semaine.
Car pourquoi vouloir formater davantage les temps scolaires ? quel intérêt ? Vous vous privez juste de projets éducatifs de qualité ayant associé, dans leur construction, tous les acteurs de la communauté éducative, les enseignants, les parents, les animateurs et professionnels d'associations, les ATSEM, les élus. En avez-vous vraiment beaucoup actuellement ? Que craignez-vous qu'il arrive si vous laissez davantage de liberté dans l'organisation de ces cinq jours ? Avez-vous repéré que vos 8 demi-journées n'empêcheront pas une commune peu vertueuse, (ça existe, j'en ai rencontré !) de faire terminer la semaine le vendredi à 11h ? Je vous fais grâce ici de toutes les aberrations que j'ai déjà vues avec les 9 demi-journées, qui pourtant avaient été imposées pour empêcher les enseignants de s'octroyer des après-midi. Mais est-ce mieux quand on ne fait qu'une heure quarante le mercredi matin ? Savez-vous que des communes ont obtenu le droit de ne faire qu'une heure vingt de pause méridienne, pour ne pas perturber le transport scolaire ?
Jacques Julliard, qui vous a écrit une lettre dans Marianne, vous demande de n'écouter que votre courage. J'avais quant à moi voici 15 mois demander à Vincent Peillon d'avoir de l'audace. J'ai envie de vous dire, faites preuve de bon sens, des organisations sur 7 demi-journées réparties sur 5 jours fonctionnent depuis plus de 20 ans, les personnes qui font tourner ces organisations sont-elles masochistes ? ou détestent-elles à ce point leurs enfants qu'elles leur imposent un fonctionnement inadéquat pour leur bien-être ? Pensez-vous que si vous autorisez une telle ouverture toutes les communes s'empresseront d''utiliser la possibilité de libérer deux après-midi en ne se préoccupant pas de ce qu'elles feront avec ces après-midi ? Sachant que les parents sont évidemment avant tout en attente de prises en charge des enfants ?
Mais il est vrai que depuis quelques temps je me pose sérieusement la question de l’ambition que vous avez, au ministère de l’éducation nationale, pour notre école publique. Je rappelle par exemple que les écoles privées sont totalement libres de mettre en place ou pas cette réforme, et si elles le font, elles le peuvent sous la forme qu’elles veulent.
J’ai été auditionnée par la mission du Sénat le 26 février dernier, j’avais posé cette question à la sénatrice qui m’interrogeait à la suite d’un paragraphe que je lui avais lu. En effet j’avais retrouvé une interview d’un de vos proches experts intitulée « en quoi la science aide à la réforme des rythmes scolaires » dans laquelle il disait : « La politique de réaménagement des temps scolaires nous impose une réflexion sur l’école et ses objectifs, sur les rôles respectifs qui incombent aux différents responsables de l’éducation. Il ne s’agit pas de décider de façon péremptoire que telle matière doit être proposée à telle heure, tel jour, mais seulement de réserver les moments où l’élève apprendra le mieux et de déterminer qui sera responsable de ces apprentissages présents dans toutes les disciplines figurant encore aujourd’hui aux programmes officiels de l’école. Il importe donc, avant une refonte des aménagements des temps de vie des enfants de préciser quelle est la part respective dans leur éducation, des enseignants, des parents, des responsables des activités péri et extra-scolaires ».
Quand on connaît toutes les craintes de certains syndicats d’enseignants quant à la municipalisation de l’école, lire une telle interview d’un des experts qui vante la réforme sur les vidéos du ministère interroge forcément sur ce que veut réellement faire de l’école ce ministère ; d’autant que je n’ai pas eu de réponse à ma question posée à la sénatrice.
Si votre ambition est bien de redonner à l’école publique son rôle de formation de tous les futurs citoyens à qui on aura permis d’accéder à un esprit critique leur permettant de s’autodéterminer dans les choix de vie qu’ils auront à faire demain, il vous faut revoir le texte, pour libérer l'organisation des temps scolaires de la façon la plus intéressante pour les enfants, mais permettre aussi que les associations et autres secteurs de l'animation puissent participer à la construction d'un projet éducatif ayant du sens pour ouvrir les enfants à des activités vers lesquelles ils n'iraient pas spontanément tout en leur prouvant qu'ils ont des potentialités n'attendant qu'à se dévoiler. Un tel projet, construit de façon partenariale avec les enseignants et les parents, permettra vraiment que la refondation de l'école se mette en route.
Pour tous nos enfants, je vous en remercie.
[1] Appel pour une chronopsychologie anti-gourou- Revue Éducation – pp. 19-23 – N° 37
[2] Autre temps, autre école , Impacts et enjeux des rythmes scolaires. Essai broché-08/05
[3] L’aménagement des rythmes scolaires : une politique nationale territorialisée ou l’émergence de politiques de territoires ? Ville École Intégration n° 117 - juin 1999 © MENRT, CNDP 1999
[4] BO n° 18 du 2 mai 1991 et spécial n° 9 du 3 octobre 1991
Lettre à Vincent Peillon. Qu’il ne lira pas ! Pourtant ….
Le 15/04/2014
Bonjour Monsieur Peillon,
Certes mon blog n’a ni l’audience ni la réputation d’un blog affilié à Médiapart.
Mais cette lettre, dont on peut se demander quel est son intérêt aujourd’hui, vient en contrepoint à celle de Sébastien Rome qui m’a permis de découvrir la proximité que celui-ci a avec vous et m’a, par ricochet, permis de mieux comprendre la teneur des échanges, qui m’ont parfois paru ambigus, que j’ai eus avec lui ces dernières semaines.
Oui, vous êtes parti, mais j’ai quand même besoin de vous parler puisque vous n’avez jamais voulu entendre :
Notre première rencontre date de la campagne présidentielle, début 2012, lorsque vous êtes venu à Lille. J’ai été invitée par la fédération PS du Nord à me joindre au groupe qui vous accueillait : j’ai donc mangé avec vous puis nous avons conversé le temps de nous rendre à l’école expérimentale que vous étiez venu visiter, école n’ayant jamais fonctionné sur 4 jours et dont j’avais participé à construire le projet éducatif en 1995-1996, et nous y avons passé une partie de l’après-midi.
Je me souviens fort bien vous avoir vu séduit par les enfants qui, sur leur après-midi libéré, s’entraînaient à des tours de magie qu’ils ont pris plaisir à vous faire et refaire, tout en expliquant ensuite les procédés chimiques expliquant les effets obtenus.
Vous m’aviez dit, à la fin de cet après-midi, que vous reconnaissiez qu’il s’agissait là d’un projet éducatif de fort bonne qualité.
Je vous avais alors remis le livre que j’avais rédigé peu de temps auparavant, à l’époque où Luc Châtel, avant vous, avait lancé un remue-méninges autour des « rythmes scolaires ». Pour la petite histoire, je suis la seule à l’époque à avoir dénoncé publiquement le lancement de ce remue-méninges et m’étais permise d’écrire : « comment surmédiatiser un problème mal posé pour mieux masquer la destruction programmée de l’école publique républicaine », texte que vous pouvez retrouver sur différents sites. J’avais aussi, à l’époque, demandé à plusieurs chrono quelque chose de mes connaissances, de refuser de participer à ce semblant de commission de concertation mais visiblement nous ne partageons pas tous les mêmes valeurs. Ce livre et différents écrits ont été remis à votre proche collaborateur, psychologue de son métier, avec qui de ce fait j’avais échangé. Il m’avait certifié s’assurer que vous auriez en mains propres ces documents, mais les avez-vous seulement lus ?
J’ai participé aux ateliers de concertation, au cours desquels je suis intervenue à de nombreuses reprises, y ai déposé des propositions, qui avaient attiré et retenu l’attention de très nombreux présents.
J’avais alors expliqué qu’il ne me semblait pas judicieux de vouloir précipiter les choses et d’attendre de toutes les communes qu’elles soient prêtes à mettre en place un projet éducatif de qualité dès la rentrée 2013, tant il me semblait important que soient d’abord diffusées de nombreuses connaissances qui continuent d’être ignorées de tous ceux qui ont un rôle éducatif à jouer auprès de l’enfant, les dizaines de milliers de personnes rencontrées au cours de mes tournées en France m’ont confortée dans cette idée. Colombe Brossel ne m’avait-elle pas alors gentiment raillée en déclarant publiquement « on vous promet, Madame Leconte, nous écrirons dans le rapport pour la loi de refondation qu’il faut former tous les parents à des connaissances sur le rythme veilles-sommeil de leur enfant « ! Croyez-moi, cela n’ayant pas été fait, ne vous attendez pas à trouver des enfants réellement moins fatigués parce qu’ils auront l’école sur 9 demi-journées !
Lors de ces ateliers, les réactions à ces propos sont venues de jeunes députés nouvellement élus qui se sont empressés de me dire : « mais Claire, tu n’y penses pas, en 2014 il y a les municipales » ! Ah oui, c’est vrai ! En France nous passons notre temps entre deux élections et il faut toujours penser au coup d’après, de ce fait, on ne change rien en profondeur, pour ne pas déplaire aux électeurs ! Mais là, il faut bien dire, c’est raté !!
Je ne peux m’accorder avec Sébastien Rome qui semble regretter qu’elle ait été repoussée d’un an ! Alors qu’on voit bien que la précipitation avec laquelle elle a été lancée dans les communes qui sont parties dès 2013 ne permet nullement de démontrer que c’est réellement mieux pour l’enfant et qu’il est évident que ses apprentissages vont être améliorés ! Il affirme aussi, comme l’a fait effectivement Vincent Peillon, que cette réforme attendait depuis 30 ans ! Mais quelle réforme, puisque voici 30 ans nous étions bel et bien sur « 9 demi-journées », ce que désirait avant tout l’ancien ministre. De quelle réforme alors s’agit-il ?
C’est ce que j’explique dans toutes mes conférences, c’est de permettre de changer profondément l’école et son fonctionnement, mais pas sur un seul emploi du temps !
Car contrairement à ce que dit Sébastien, la question de l’accueil tant dans le temps scolaire que dans le temps périscolaire se posait déjà avant 2012, en tout cas pour tous ceux qui voulaient se la poser, preuve en sont les projets que j’ai suivis depuis plus de 20 ans.
Qui se souvient qu’en 1976, le recteur Richard indiquait déjà « la nécessité de réorganiser le temps scolaire dans sa globalité. Le contenu et la place dans la chronobiologie de l’écolier, du collégien et du lycéen, devraient réserver, comme cela se fait dans beaucoup de pays moins cartésiens, le matin aux activités d’acquisition et l’après-midi aux activités d’éveil, musicales et plastique, ainsi qu’aux activités sportives. »
Alfred Binet, psychologue, avait dit dès 1906, « Le travail du matin est celui qui produit le maximum de rendement, il faut donc réserver la classe du matin pour le travail le plus difficile. ». Il demandait aux enseignants de faire bénéficier les écoliers de la « clarté mentale de la matinée ». Mais il soulignait aussi que l’influence de l’organisation de la vie familiale et scolaire sur les différents rythmes biologiques de l’enfant est effective quel que soit l’âge.
Et je ne suis pas plus d’accord sur le fait que « la route est indiquée » pour les nouvelles perspectives à avoir, quand je vois combien au contraire l’école s’est davantage repliée sur elle-même, aidée par cela par la hiérarchie qui n’a cessé de réclamer au plus vite des emplois du temps, avec des cases vides à remplir « plus tard », et en se contentant de demander aux collectivités de bien vouloir boucher les trous libérés par cet emploi du temps, mais de plus en précisant que ce qui se passe après la fin de la classe ne concerne plus l’éducation nationale. Je vous ai même entendu le dire, vous M. Peillon, « quand nous aurons recueilli tous les emplois du temps de toutes les écoles, le travail de l’Éducation nationale sera accompli » ! C’est ainsi qu’on espère faire davantage de liens entre les temps scolaires et les temps dits périscolaires.
En mai 2012, quand vous avez annoncé qu’on allait revenir à la semaine de 5 jours, et que vous accepteriez de laisser le choix aux collectivités entre le samedi et le mercredi pour le 5ème jour, j’ai cru la partie gagnée. Que nenni quand j’ai vu publier le décret de janvier 2013, rendant obligatoire une organisation de la semaine dérogatoire imaginée par le décret Darcos ! Certes, la même personne ayant écrit les deux décrets, il lui était difficile de revenir sur une organisation qu’elle avait inventée quelques années plus tôt. Mais n’auriez-vous pas pu vous inspirer d’un rapport dont l’un des deux co-auteurs est tout simplement le député auquel vous avez confié le rôle de rapporteur pour la loi de refondation ? Voilà ce que préconisait ce rapport : "On peut toutefois se demander si une organisation en demi-journées ne tendrait pas à rigidifier la gestion du temps scolaire, à la différence d'un système dans lequel les enseignements et les autres activités pourraient être répartis librement du lundi au vendredi, voire au samedi.
Les avantages d'une semaine scolaire de cinq jours ne seraient en effet pas négligeables. Ils ont été particulièrement mis en évidence par les emplois du temps de l'école primaire "à la journée" que la mission a visitée à Berlin (cela correspond à ce que je propose à ceci près qu'ils y intègrent le mercredi après-midi). Dans cette école primaire, ouverte de 8h à 16h, alternent du lundi au vendredi les enseignements "classiques" avec des plages horaires dédiées aux loisirs.
En organisant les activités de loisirs principalement l'après-midi, cette école met en oeuvre une organisation du temps scolaire respectueuse des rythmes de l'enfant.
En outre, cet emploi du temps organisé sur cinq jours permet de consacrer beaucoup d'heures à la pédagogie différenciée, puisqu'il prévoit un nombre important de travaux en petits groupes et de classes dédoublées.
Enfin cette organisation hebdomadaire implique un réel travail de coordination entre les enseignants, animateurs et éducateurs chargés des activités périscolaires, ces derniers étant placés sous la responsabilité du directeur de l'école."
J’avoue personnellement avoir beaucoup de difficultés à comprendre qu’au nom de la politique on puisse renier en deux ans les affirmations qu’on avait faites soit disant dans l’intérêt de l’enfant. Car ce même rapporteur de la loi était maire d’une commune avec laquelle j’ai construit un vrai projet éducatif sur ces préceptes, à savoir consacrer des après-midis aux activités autres que scolaires. Cette organisation mise en place a fait l’unanimité, des enseignants, des animateurs, des parents, des enfants ! Les enseignants disaient avoir retrouvé les fondamentaux de leur métier, avoir de l’avance dans leurs apprentissages, les enfants venaient avec plaisir à toutes les heures de la journée, qu’elles soient scolaires ou non scolaires, très très peu de non présents sur les temps non scolaires non obligatoires, les parents se disaient satisfaits des horaires ainsi organisés et être rassurés de voir leurs enfants entre les mains d’animateurs devenus de vrais référents. Les évaluations réalisées en avant et après (au contraire de ce que pourra faire le ministère avec la réforme démarrée en 2013) la mise en place du projet ont montré, entre autres, des changements significatifs dans le respect de la régularité du rythme veille-sommeil des enfants. Cette organisation s’est malheureusement retrouvée hors la loi par le décret imposant un découpage de la semaine en 9 demi-journées. Et le député rapporteur de la loi n’a rien fait pour qu’il n’en soit pas ainsi !
Lorsque ce décret est sorti j’ai décidé de vous adresser une lettre ouverte qui a été publiée sur le Café Pédagogique. Quelles furent alors vos réactions ?
Lors d’une de vos sorties sur le terrain, vous êtes allé à Brest, une question vous a été posée à savoir, « pourquoi ne pas accepter d’organiser la semaine sur 5 jours ? » Ce à quoi vous avez répondu : « oui, je sais, il me faut rassurer Claire Leconte » ! Comment éliminer une question perturbante.
Louise Tourret, journaliste à France Culture, m’invita à un enregistrement de l’émission Rue des Écoles peu après la publication de cette lettre. La découvrant elle appela le ministère pour connaître la réponse qui m’était faite à ce courrier. Vous décidâtes alors d’envoyer votre collaborateur, Directeur Général de l’Enseignement Scolaire, pour débattre avec moi. Ce débat eut lieu mais ne permit de constater aucun signe de bonne volonté du ministère de faire en sorte que cette « réforme » soit mieux accueillie qu’elle ne l’était déjà à l’époque. Une enseignante également invitée, membre du collectif des dindons, laissa même entendre que ce n’était pas contre la réforme en elle-même que ce collectif fut constitué, mais contre l’application qui allait en être faite. Elle fit d’ailleurs savoir que si on l’autorisait à mettre en place une organisation telle que celle que je préconisais, elle le ferait immédiatement. Interrogé par Louise Tourret quant au fait que visiblement ce n’était pas la réforme en elle-même qui était contestée mais bien sa mise en place, le DGESCO me répondit : « mais on ne va pas y toucher à vos projets Madame Leconte », sachant que ce n’était absolument pas ce que je demandais mais bien que toutes les communes désireuses de construire un tel projet aient la possibilité légale de le faire.
Rien ne bougea après cette rencontre, est-ce donc que vous étiez déjà « parti » comme le laisse entendre Sébastien Rome ?
Militante du réseau Prisme, j’ai participé à l’écriture d’amendements du décret déposés par divers députés à l’assemblée nationale. Les arguments que vous avez alors donnés pour les refuser ont d’emblée pour moi étaient irrecevables.
Vous avez d’abord prétendu que le point le plus important dans la réforme du temps scolaire et éducatif (tiens donc, le temps scolaire n’est donc pas éducatif ?), c’est de prévoir neuf demi-journées de travail, de sorte qu’on étale le temps scolaire pour améliorer les apprentissages !
Comment quand on est enseignant, peut-on croire que le seul étalement sur davantage de demi-journées améliorera les apprentissages ? C’est en donnant au contraire plus de continuité dans les temps, comme on le fait quand on allonge substantiellement les matinées, qu’on améliore vraiment les apprentissages.
Par ailleurs, êtes-vous allé constater ce que ça donne aujourd’hui sur le terrain ? On voit des matinées de 2h le mercredi matin, pour lesquelles des IEN n’hésitent pas à dire « vous n’avez qu’à y mettre l’EPS et les arts plastique », d’où on voit bien que ces IEN ne connaissent rien au fonctionnement des apprentissages chez l’enfant : comment peuvent-ils encore croire qu’on apprend à lire-écrire-compter-communiquer uniquement en maths et en français ? Savent-ils comment fonctionnent les transferts d’apprentissage chez l’enfant ? On voit également des après-midi réduites à la portion congrue, une heure à peine d’enseignement, sans pour autant que cela n’ait permis d’améliorer ce qui aurait dû l’être.
Et votre autre argument était le suivant :
« une des difficultés majeures réside dans le choix de la demi-journée libérée. Certains ont proposé que ce soit le vendredi après-midi. Vous voyez bien que si nous ouvrons cette possibilité, du point de vue de l’étalement du temps scolaire (je renvoie là à ce que j’ai dit précédemment, cet argument ne tient pas), c’est tout le sens de la réforme qui s’effondre »……. « dans l’intérêt de l’amélioration des performances scolaires, je vous demande de bien veiller au sens même de la réforme. Je comprends qu’elle suscite des difficultés d’organisation, mais cette réforme est faite en vue d’améliorer les performances éducatives. (comme si cette amélioration ne dépendait de rien d’autre !). L’avis du Gouvernement est que nous ne pouvons pas ouvrir cette possibilité qui donnerait des week ends de deux jours et demi. Beaucoup de villes m’en ont fait la demande. Je ne peux pas, en conscience, considérer que ce serait un progrès et je vous demande donc, Madame Mazetier, de retirer vos amendements » !
Alors là, est-ce parce que vous étiez déjà parti que vous aviez un tel aveuglement ?
D’une part, je n’ai pas entendu une seule commune, parmi toutes celles que j'ai rencontrées, réclamer en premier lieu le vendredi après-midi, toutes celles avec lesquelles j’ai travaillé, qui, soit dit en passant, ont toutes vu leur maire reconduit, pour la plupart dès le premier tour, voulaient au contraire ne pas libérer les mêmes après-midis dans toutes les écoles pour pouvoir y faire tourner les animateurs qualifiés recrutés pour l’occasion, et donc réduire de moitié le besoin tout en mettant au service de tous les enfants la même qualité de prestation, ce qui leur permettait aussi de diviser par deux chaque jour le besoin en locaux.
D’autre part, si vraiment votre souci était de ne pas allonger le week end, il vous suffisait d’imposer le samedi matin au lieu de le rendre dérogatoire, et la diminution du week end allait de soi.
D’autre part encore vous avez osé refuser à plusieurs communes vertueuses le droit de faire le projet de qualité construit avec toute la communauté éducative sous ce prétexte alors même que vous n’avez pas refusé à Paris de faire un projet dérogatoire, bien que bricolé, mais qui va exactement dans le sens que vous vouliez éviter ! Ainsi qu’ont dit les élus écologistes sur leur soutien apporté à Bertrand Delanoë dans le vote pour le projet à mettre en place en 2013 : « Nous nous félicitons que les activités périscolaires n’aient pas lieu durant la pause méridienne comme c’était prévu au départ mais le mardi et le vendredi après-midi. Non seulement c’est mieux pour les enfants mais cela permettra aussi aux enseignants de pouvoir quitter les écoles plus tôt, deux jours par semaine, notamment la veille du week-end. C’est une petite contrepartie au fait qu’ils viendront travailler le mercredi. » ! Bien joué, et les enfants, seront-ils tous là eux, le vendredi après-midi ? Quels seront les cours faits à ce moment là juste avant les activités ? Tous les enseignants seront-ils présents en ce début de vendredi après-midi ? Et s’affirme bien là le fait que le projet parisien a bien prévu un vrai travail de lien entre les temps scolaires et non scolaires, n’est-ce pas ?
Mais Paris est le centre de la France, on le sait, il faut toujours lui concéder diverses choses qu’on refuse d’emblée à la province. La preuve ? Sylvain Garel, élu écologiste, n’hésite pas à affirmer : « si la capitale n’avait pas choisi de mettre en œuvre cette réforme dès 2013, cela enterrait le projet et avec lui toute la refondation sur l’école ». Ben voyons !
Mais en province, M. Peillon, je peux vous dire que je connais nombre de PE qui reviennent le dimanche dans leur école car ils n’ont pas eu le temps dans la semaine de préparer toutes les photocopies dont ils auront besoin dès le lundi. Malgré cela vous trouvez normal qu’on se refuse à leur accorder des après-midi libérés dans la semaine alors même que ceux qui le souhaitent ont mené une vraie réflexion pour utiliser au mieux leurs 24 h, en les étalant intelligemment et en réfléchissant vraiment aux besoins de leurs élèves. Et ceci alors que vous oubliez le rapport de la cour des comptes qui a montré que la moyenne hebdomadaire du temps de travail de la majorité des PE est de 41 h ! Savez-vous que la revendication la plus forte des PE n'est pas financière, elle est d'avoir du temps, pour réfléchir, pour travailler avec leurs collègues, pour faire des recherches, pour prendre du recul sur leur métier. C'est important d'écouter les personnels dont on a la responsabilité au plus haut niveau.
À la suite de ce refus au niveau de l’assemblée nationale, nous nous sommes tournés vers le Sénat. Nous y avons trouvé un accueil très favorable, avec une sénatrice me disant qu’il serait bon que j’aille assurer une soirée débat dans sa région car on était en train d’y faire n’importe quoi. Elle partageait alors avec nous le fait que le découpage de la semaine tel qu’il était imposé ne laissait aucune possibilité à des initiatives innovantes et fort intéressantes pour les enfants. Mais très vite ensuite nous n’avons plus eu de réponse aux questions que nous posions. Je les ai posées à une autre sénatrice que j’avais rencontrée lors de mes déplacements en région pour conférence et qui avait alors marqué un grand intérêt pour le projet que je proposais, -intérêt m’avait-elle dit par la suite, partagé par diverses associations importantes de la ville qui voyaient bien leur place dans un tel projet. Mais là encore la réponse que j’ai reçue fut sans appel : « C’est dans l’hémicycle, pendant la discussion générale de la Loi portant refondation de l’école que je réponds à votre message de fatigue... mais pas de découragement, car j’y lis votre pugnacité à convaincre de la supériorité du modèle dont vous faites -brillamment, je l’ai éprouvé- la promotion.
J’ai été convaincue par l’exposé de votre expérience, mais … plus question de le faire, on passe à autre chose,
……… j’y vois l’avantage d’une mise en œuvre dès sept 2013...ce qui était ma priorité…….
Quand je mesure les difficultés rencontrées par le ministre pour faire passer la semaine à neuf demi-journées .... les efforts réalisés par les communes comme la mienne (22% des communes en France) pour passer en 2013...je considérai déraisonnable de rouvrir le débat sur les rythmes maintenant, fusse pour discuter un amendement conçu à Lille, c'est certainement regrettable mais politiquement secure ».
Voilà, tout est dit, par sécurité politique, on ne touche à rien même si on sait que ça peut être mieux, en particulier pour les enfants.
Étiez-vous alors déjà parti ?
En tout cas, en terme de sécurité politique, je ne crois pas que le pari ainsi fait est gagné d’autant moins que cette sénatrice, pour qui j’ai beaucoup d’estime par ailleurs, ne s’est pas vue reconduite dans son mandat de maire. La droite est bel et bien passée !
Vous vous êtes bien gardé de faire appel à moi pour participer au comité de suivi que vous avez installé, alors même que vous saviez que j’ai suivi de nombreuses expériences d’aménagements des temps de l’enfant, ceci depuis plus de 25 ans, je n’ai bien sûr pas été invitée à La Rochelle alors que je l’ai été par EELV, pour leurs journées d’été à Marseille, où il m’a été demandé d’animer avec Philippe Meirieu un atelier de réflexions pour les élus, qui y sont venus très nombreux.
Ils ont alors bien compris l’intérêt de modifier le contenu du décret pour laisser se faire des projets de qualité, puisqu’ils ont peu après publié un communiqué intitulé : Pour des politiques éducatives locales soutenables. Il y est entre autres demandé :
- une réécriture sans délais des décrets du 24 janvier 2013 et du 2 août 2013 par les ministres concernés afin de permettre une réelle souplesse d’application au niveau local en remplaçant l’expression “9 demi-journées“ par “4,5 jours“ ; en accordant la possibilité, sans dérogation particulière, pour les communes qui le souhaitent, de ne pas reproduire les quatre journées (lundi, mardi, jeudi et vendredi) à l’identique, mais de concevoir la semaine scolaire de manière cohérente et souple en fonction de ses possibilités, des exigences pédagogiques et éducatives et du rythme de vie des enfants et pour l’accès à des activités culturelles, sportives pour tous.
- la possibilité, sans dérogation particulière, pour les communes qui le souhaitent, en concertation avec les différents partenaires de choisir les cours le samedi matin plutôt que le mercredi matin ;
Mais visiblement vous étiez déjà parti.
Enfin je vous ai à nouveau rencontré le jour de la rentrée des classes, à Roubaix où vous étiez en visite avec deux de vos collègues ministres. Vous m’avez alors affirmé lire tout ce que j’écrivais et écouter tout ce que je disais, ce qui, d’après vous, vous mettait parfois un peu en colère. Mais vous m’avez aussi confirmé que vous saviez que je me déplaçais énormément, partout en France, me disant que vous étiez au courant de là où j’allais : cela m’avait conduite à vous proposer que nous nous rencontrions pour que je vous fasse part de toutes mes expériences de terrain et vous fasse partager mon sentiment sur tout ce qui risquait de faire que cette réforme serait de plus en plus difficile à installer. Vous m’aviez alors promis, devant le recteur, le DASEN et le maire présents à côté de nous, que nous nous verrions en octobre pour ce faire, et que vous prendriez directement contact pour me donner ce rendez vous. Étiez-vous déjà parti lorsque vous m’avez fait cette promesse ? En tout cas, maintenant vous êtes parti, mais nous ne nous sommes pas rencontrés.
En revanche je pense que c’est vous qui avez demandé à votre conseillère de me recevoir, ce qu’elle a fait en me demandant si me gênait le fait que soit présent à notre rencontre le DGESCO : évidemment non !
Nous nous sommes donc rencontrés un vendredi de décembre, pendant environ deux heures. Évidemment sont revenus dans l’échange mes questionnements sur les refus qui étaient constamment les vôtres, et de façon automatique on n’a cessé de me répéter que libérer des après-midis conduirait les communes à libérer le vendredi après-midi, ce que le ministère ne voulait surtout pas puisqu’en particulier il tenait à ne pas rallonger le week-end. Je passe sur l’échange assez ubuesque qu’on a eu ensuite quand j’ai dit qu’il aurait suffi de libérer le samedi matin pour que le week-end ne soit pas trop long ! Je me dois, par honnêteté intellectuelle, reconnaître qu’alors le DGESCO a reconnu que j’avais raison, que les DASEN n’étaient pas suffisamment souples pour accorder les dérogations demandées par les communes pour adopter le samedi matin. Il avait alors affirmé qu’il leur ferait savoir que ce ne pouvait qu’être une bonne chose ! Je note ici que sans vergogne, les médias n’ont cessé de clamer en 2013 que la plupart des communes avaient choisi le mercredi matin alors que je sais fort bien que la plupart l’ont fait parce qu’il fallait, pour obtenir le samedi, demander une dérogation sur la base d’un projet éducatif prouvant l’intérêt pédagogique de ce choix pour les enfants ! Qui aurait eu le temps de construire un tel projet entre mars et juin 2013 ? Mais aussi que les DASEN le refusait car cela aurait contrarié les logiciels de gestion des remplaçants ! Mais croyez-moi, aujourd’hui, beaucoup constatent que devoir prendre en charge les enfants le mercredi après-midi après une matinée de classe, sachant que des activités identiques à celles des centres de loisirs sont proposées chaque jour, est loin d’être simple pour les animateurs d’autant que les enfants sont beaucoup plus nombreux aujourd’hui sur ces après-midi là, cela coûte très cher aux communes, et les activités sportives auparavant proposées le mercredi matin sont relayées en fin de journée ! Les rythmes de l’enfant sont bien respectés !
Avant de nous séparer, le DGESCO avait quand même accepté l’idée que soient menées des expériences de qualité, avec des projets éducatifs construits avec l’ensemble de la communauté éducative et un programme d’évaluation intégré permettant une comparaison en avant-après projet. Je lui avais alors fait savoir que plusieurs communes en France étaient déjà sur ces rails, avec des projets prêts à démarrer. Il n’avait pas rejeté l’idée de laisser ces expériences se faire, mais ne s’était pas non plus engagé par écrit !
Ma conversation avec votre conseillère s’est poursuivie, elle m’a dit savoir que j’avais rendez vous avec le DASEN de Seine Maritime et le maire de Dieppe, ville qui avait construit un tel projet, le lundi suivant notre entrevue. J’ai confirmé. Nous nous sommes quittées après que votre conseillère m’ait dit « nous gardons le contact » !
Mais quelle ne fut pas ma surprise le lundi suivant, lors de notre rencontre, le maire de Dieppe et moi-même avec le DASEN de Seine Maritime, d’entendre celui-ci nous dire que votre conseillère lui avait téléphoné le samedi matin simplement pour lui dire « on ne lâche rien » ! Je me suis permise de lui demander s’il s’agissait entre nous d’une guerre de tranchée et ai rappelé que l’enjeu n’était que le mieux vivre des enfants ! Est-ce vous qui aviez donné l’ordre de ne rien lâcher ? Vous n’étiez alors pas encore tout à fait parti ?
Mais avant que je ne quitte le ministère ce vendredi là, j’avais dit à votre conseillère ainsi qu’au DGESCO qu’il me semblait important que vous preniez la mesure des difficultés du terrain, car j’avais prédit que cela aurait des conséquences sur les municipales à venir. Il m’avait été dit que tous vous pensiez qu’au contraire, les choses se passaient plutôt bien puisque 83% des maires partis en 2013 avaient fait part de leur satisfaction dans l’enquête menée par votre comité de suivi. J’ai quand même cru bon de rappeler que ce n’était que 83% des 26% des maires qui avaient répondu à l’enquête ! Il me semblait que cela minimisait fortement le taux de satisfaction.
Bien que votre conseillère m’ait dit que nous garderions le contact, que le DGESCO m’avait aussi dit qu’il souhaitait également le garder pour que nous discutions pédagogie comme je le fais avec tous les enseignants que je suis appelée à rencontrer, je n’ai plus eu aucun contact ni avec l’un ni avec l’autre avant votre départ. Pas plus depuis que vous êtes parti d’ailleurs.
J’ai quant à moi poursuivi mes missions de formatrice, de diffusion de connaissances, d’aide à la construction de projets éducatifs, que je poursuis encore aujourd’hui, tant sur place en me déplaçant beaucoup que par mail.
Tout cela pour gagner quoi en ce qui concerne le gouvernement ?
Cette « réforme », aurait dû être une première pierre de la refondation de l’école, je me permets de rappeler ici quelles sont les ambitions de la loi que vous avez fait voter :
« La qualité d'un système éducatif tient d'abord à la qualité de ses enseignants : il s'agit donc en premier lieu d'assurer aux personnels enseignants et d'éducation une formation initiale et continue qui leur permette d'exercer leur métier dans de bonnes conditions. »
Je suis totalement d’accord, ce pour quoi je n’ai jamais refusé de participer à des formations continues pour enseignants.
« Le projet de loi s'articule autour de cinq grands axes :
Mettre le contenu des enseignements et la progressivité des apprentissages au cœur de la refondation ;
Redynamiser le dialogue avec les partenaires de l'école, ainsi que ses instances d'évaluation.
La refondation de l'école passe par une réflexion sur le socle commun de connaissances, de compétences et de culture et sur le contenu des enseignements. Il s'agit de préciser ce que l'école doit apprendre à ses élèves, et la façon dont elle peut permettre à tous cette acquisition.
L’évaluation des élèves, doit être repensée
Le projet prend enfin acte du fait que la refondation ne peut avoir lieu sans un dialogue redynamisé de l'école avec ses partenaires (au premier rang desquels les parents d'élèves et les collectivités territoriales) et sans un système d'évaluation efficace. ».
C’est exactement ce que j’incite les enseignants que je rencontre à faire, mais je suis obligée de leur montrer que les changements attendus pour répondre à ces objectifs imposent que des modifications soient faites dans la répartition traditionnelle des temps scolaires relatifs aux apprentissages des enfants, en particulier en privilégiant de nombreuses et longues matinées, qui permettent de jouer sur des alternances de séquences pédagogiques propices au maintien de la disponibilité attentionnelle des enfants, de leur motivation en leur permettant de développer des transferts d’apprentissage si importants pour leurs acquisitions. Je leur prouve que ce n’est pas en réservant le matin aux maths et au français que cette disponibilité et cette motivation sont privilégiées. Je leur démontre également l’intérêt du travail coopératif pour ce faire. Et j'insiste sur l'importance de leur implication dans la construction du projet éducatif afin qu'ils soient réellement partenaires dans la réflexion concernant les parcours d'activités proposés sur les temps non scolaires, seul moyen de mettre en synergie les temps scolaires et non scolaires : c'est cette mise en synergie seule qui permettra aux enfants de percevoir une continuité éducative entre les différents temps dans lesquels il doit passer chaque jour, pas l'émiettement tel qu'il est imposé avec les 9 demi-journées.
Par ailleurs je crains fort que la façon dont les ESPE sont mises en place ne vont pas vraiment améliorer la formation initiale nécessaire aux changements à réaliser au sein des écoles, ce d’autant moins que chacune étant rattachée à une université dont l’autonomie n’a pas été remise en cause, on risque donc d’avoir autant de formations différentes que d’ESPE, chacune imposant sa spécificité en fonction de celle de l’université de rattachement. Et je n'en ai pas vu encore qui propose des modules communs de formation entre les futurs enseignants et les futurs éducateurs, quel que soit le lieu de travail à venir de ces éducateurs.
Où en est-on après ces municipales catastrophiques ? Certes on veut croire que seul le contexte national difficile a joué défavorablement, on a voulu croire que cette réforme n’était pas un enjeu.
Pourtant lorsque malheureusement, une association de quartier m’a invitée dans le cadre de la semaine de la parentalité à venir parler aux familles des rythmes de leurs enfants, à une date placée entre les deux tours, lors de mon arrivée dans cette commune le président de l’association en question est immédiatement venu me dire que depuis le matin il avait reçu plusieurs coups de téléphone de la mairie, justement pour dire qu’il y avait bien un enjeu autour de cette réforme, et que je me devais de ne surtout pas parler de rythmes scolaires. Ce que j’ai moi tout à fait respecté.
Tours, Toulouse, Angers, Nevers, La Roche sur Yon, Roubaix, Tourcoing, Éragny, Taverny, toutes villes qui ont voulu se précipiter ou dans lesquelles ce dossier était un enjeu électoral, sont passées à droite, Grenoble a échappé au PS, Dunkerque a aussi été perdue par le PS, ce ne sont là que quelques exemples. Et qu'en sera-t-il des communautés urbaines ou d'agglos de Lille, Paris, Bordeaux, Toulouse, Lyon, Nice, Grenoble, Aix Marseille ? Savez vous bien que dans nombre de communes basculées à droite, dans les tracts des candidats de la droite apparaissait « non à la réforme des rythmes scolaires » ? Que parfois c’était même affiché sur les panneaux électoraux ?
Il est urgent de cesser le déni, ce fut un réel enjeu électoral, je l’ai encore vécu quand on m’a interdit de participer à la soirée publique à laquelle on m’avait invitée quand on s’est aperçu que si, au cours du débat, on m’avait interrogée sur la façon dont les choses se passaient là où j’étais allée, je n’aurais pas pu faire croire que tout allait aussi bien que chacun cherchait à le faire croire : cette interdiction, faite de façon particulièrement grossière, n’a pas empêché la commune en question de basculer à droite.
En revanche un maire a eu la gentillesse de me dire que mon passage quelques semaines avant le premier tour dans sa commune avait considérablement apaisé les esprits et permis que ce ne soit plus un enjeu dans la campagne : il a été réélu au premier tour.
Vous êtes maintenant vraiment parti de ce ministère, mais votre successeur a conservé avec lui la majeure partie de l’équipe qui vous accompagnait : on peut le comprendre, il lui fallait s’approprier rapidement les contenus des dossiers.
Mais cela lui permettra-t-il d’ouvrir les yeux et d’accepter de voir qu’il ne suffit pas d’imposer que la réforme se fasse totalement en 2014 pour qu’elle se fasse dans le respect des enfants ? On voit bien que des stratégies sont déjà en train de se mettre en place, et ne pas accepter que de vrais projets se construisent, grâce à un assouplissement réel du décret pour ne pas imposer contre vents et marées le découpage en 9 demi-journées, serait une vraie erreur politique. Sachez que ces projets tels que présentés ont toujours été jugés de grande qualité, tant par les élus que par les personnes directement concernés par eux, mais aussi par les DDCS et l'éducation nationale : pour elle, leur seul défaut est de ne pas être sur 9 demi-journées ! Avouez que c'est un peu court !
Rappelons que dans le rapport d’évaluation sur les politiques d’aménagements des temps de l’enfant de 1993, la conclusion des recommandations est : « une telle politique clairement affichée peut contribuer à la réduction des inégalités et faciliter la relation de l’école avec ses environnements, social, économique, culturel. Attentive au respect et à l’harmonie des rythmes de vie et activités des enfants à l’école, dans la famille, dans la cité, elle est également prise de conscience que le traitement de l’aménagement du temps, (journalier, hebdomadaire, annuel, de travail, de loisir,...) est aujourd’hui un problème central et ne peut se concevoir sans tenir compte du fonctionnement général de notre société » ! C’était il y a 21 ans ! Bien avant 2012 contrairement à ce que déclare Sébastien Rome ! Voilà pourquoi j’attendais de cette « réforme » qu’elle soit portée en interministériel, avec Jeunesse et Sports, Culture, Famille, Santé et Travail. Nous en sommes bien loin quand j’entends les DDCS dire : « ah mais ça, c’est l’éducation nationale, ça c’est nous » avec évidemment une éducation nationale pas en reste pour partitionner les rôles de chacun. Nous sommes bien loin d’une réforme, et l’école n’est pas prête à se refonder, ce n’est nullement à cause d’une résistance des enseignants de la base mais bien au contraire de celle de la hiérarchie. Il est temps que la gauche sache ce qu’elle veut pour son école, pour l’éducation de ses enfants plus largement.
D’ailleurs vous Monsieur Peillon, qui êtes parti pour l’Europe, comment allez-vous agir là bas pour éviter un basculement total de l’éducation aux mains du libéralisme car comme beaucoup d’auteurs l’ont constaté, l’UE s’intéresse bien à l’interaction entre la formation dispensée et la vie économique réelle. En revanche, elle semble n’avoir que ce prisme là en tête, conformément à une vision utilitariste et économiciste de l’éducation.
Ce n’est pas de cette éducation là que vous voulez n’est-ce pas Monsieur Peillon ?
Personnellement j’ai beaucoup donné depuis ma participation aux ateliers de concertation pour la refondation, cela me vaut actuellement une grande fatigue, tant nerveuse que physique. J’y ai laissé aussi du financement, un ordinateur qui a rendu l’âme en me perdant beaucoup de documents, visiblement il n’a pas aussi bien que moi supporté les incessants déplacements que je lui ai imposés quotidiennement !
Et je tiens à profiter de cette très longue lettre, mais voilà des mois que j’attendais de pouvoir vous exprimer tous mes ressentis, (la lettre est très longue mais non exhaustive de tout ce que j’avais à vous dire), pour remercier mon mari qui depuis des mois supporte patiemment de ne me voir qu’en coup de vent, même pas tous les dimanche, et d’avoir à programmer sans cesse des allers retours vers la gare soit pour m’y conduire soit pour m’y rechercher. C’est parce qu’il sait que je croyais en une vraie ambition politique pour faire de notre école un lieu de vie accueillant, bientraitant, permettant à chaque enfant de réussir sa vie, tant celle d’aujourd’hui que celle de demain, et formant les citoyens de demain à même de nous faire croire en une société plus humaine, plus solidaire, plus juste, plus équitable.
Il n’est pas trop tard, mais il faut accepter d’entendre les communes - et l’ensemble de leurs citoyens -, qui ont elles aussi, eu envie d’une telle école, qui ont tout mis en œuvre pour la construire, mais qui ont besoin pour ce faire, que l’on assouplisse le décret et qu’on déverrouille le 9 demi-journées. Elles pourront ainsi montrer le chemin à suivre pour réellement aller vers une refondation de l’école.
Je ne sais si vous lirez, comme vous m’aviez dit le faire, cet écrit, je suppose n’avoir à nouveau aucune réponse,
Je vous souhaite de trouver là où vous allez ce que visiblement vous n’avez pas trouvé dans ce ministère que pourtant vous vous étiez préparé de longue date à occuper.
Claire Leconte, toujours au service des enfants qui en ont le plus besoin.
Auditionnée au Sénat - ensuite ?
Le 01/03/2014
Ce mercredi 26 février 2014 je fus invitée à une audition publique au Sénat, par la mission Rythmes scolaires. Cette audition était au départ programmée le 19 février, mais un changement m'a imposé de jongler littéralement avec mon agenda. Jugez-en par vous-même.
Le 24 février au soir j'intervenais devant un public nombreux venu m'écouter à Chavigny, à côté de Nancy. Le 25 en fin d'après-midi j'étais à Lannion, en Bretagne, pour participer aux conseils d'écoles de trois écoles ayant accepté de participer à la pré-évaluation mise en place cette année afin de pouvoir ne pas se contenter de demander dans l'après-coup qui est content ou pas content ! Nous aurons ainsi une ligne de base concernant les enfants, les enseignants, les parents, les animateurs, qui nous permettra d'évaluer les effets positifs ou non de la mise en place du projet à la rentrée 2014.
Rappelons ici que cette commune avait réussi à mobiliser toute la communauté éducative autour d'un projet éducatif innovant, pour la rentrée 2013 (voir sur mon site, l'ambition d'une ville), qui lui avait été refusé au seul motif qu'il n'était pas sur 9 demi-journées !!!!
D'un commun accord tout le monde avait alors décidé de reporter la mise en place du changement à 2014. Depuis le maire n'a cessé de solliciter le ministre de l'éducation nationale pour obtenir de sa part la possibilité d'expérimenter une autre forme d'organisation, ce qui devrait être le propre d'une réforme ayant l'ambition de refonder l'école, comme si un modèle unique, non testé par ailleurs ni évalué, pouvait être considéré comme l'alpha et l'omega de cette refondation.
Nous avons quitté Lannion après ces trois conseils pour m'amener à Rennes, où j'étais attendue dès 9 h le mercredi 26, dans une école privée (et oui, elles aussi sont soucieuses du bien-être de leurs élèves) qui m'avait demandé de former tous les enseignants et les atsem aux connaissances concernant les rythmes biologiques de l'enfant, afin que cette équipe construise un projet au mieux de l'intérêt des enfants. Que l'éducation nationale prenne donc modèle ! Car si je forme bel et bien aussi des enseignants du public, ce n'est qu'à la demande des syndicats ou d'inspectrices prenant sur elles d'apporter aux enseignants de leur circonscription des informations permettant qu'ils puissent réféchir non uniquement à un problème d'horaire mais bien aux contenus des temps à occuper et aux évolutions à apporter dans leurs pratiques pour être acteurs des changements à apporter au sein de l'école pour améliorer son fonctionnement.
J'ai donc assuré cette formation devant toute cette équipe, les ATSEM étant ravies d'être associées à celle-ci, pendant trois heures, elle s'est terminée par une demande de poursuite de collaboration tant toutes avaient envie d'avancer et de repartir de ces nouvelles connaissances pour réfléchir aux erreurs à éviter.
Je suis alors repartie sur Paris pour être présente au Sénat à 17h30. Vous aurez ci-dessous le lien de l'audition que j'ai faite, accompagnée des questions de la rapporteur et d'une sénatrice présente dans la salle. J'y joins le lien de la Gazette des Communes qui donne son analyse de cette audition.
Mais ma semaine ne s'arrête pas là, en effet, à l'époque où il était prévu que j'aie cette audition le 19 février, j'avais accepté une demande du Snuipp de l'Aude de participer à leur Réunion d'Informations Syndicales prévue le 27 février. Je pensais revenir de Rennes à Carcassonne, là où se passait cette réunion, dès le 26 au soir, mais évidemment l'audition à 17h30 m'interdisait cela. J'en ai informé les collègues dès que j'ai eu connaissance du changement de date, mais ils n'ont pas pu accepter que je ne vienne pas. En effet, ayant annoncé ma présence, 130 collègues s'étaient inscrits ! Et les collègues organisateurs m'ont demandé de voir toutes les possibilités me permettant d'être présente le 27 au matin à Carcassonne. La seule possibilité fut que je prenne le train de nuit avec changement au petit matin à Toulouse. Mais nous avons eu une matinée très riche de questions pertinentes, d'interrogations légitimes.
Car non Monsieur le Ministre, les enseignants du primaire ne sont pas que des professionnels cherchant avant tout à défendre leurs intérêts propres, qui seraient avant tout des résistants à tout changement. Ils veulent au contraire être acteurs de ce changement, mais à condition que celui-ci ait du sens pour leur engagement auprès des enfants, les assure de pouvoir continuer leur métier dans les meilleures conditions possibles, en retrouvant les fondamentaux de leur métier et en pouvant bénéficier de temps de réflexions partagées leur permettant de faire évoluer leurs pratiques en vue de permettre à davantage d'enfants d'accéder - en les intégrant au mieux - à tous les apprentissages nécessaires à leur développement harmonieux.
Il serait bon d'avoir à l'esprit qu'au contraire d'un enseignant du secondaire, qui lui a par ailleurs beaucoup de temps libres dans une semaine de cours, les enseignants du primaire ont face à eux chaque jour de l'année scolaire, l'ensemble des enfants de leur classe, qui tous comptent sur lui pour les aider à grandir. Non pas que je ne connaisse pas les difficultés de certains collègues de collèges, mais je pense qu'on oublie trop qu'un enfant qui n'a qu'un enseignant face à lui ne peut qu'attendre tout de lui, et c'est une responsabilité importante pour tous les professeurs des écoles. Cela mériterait bien qu'ils aient des conditions de travail leur permettant de se ressourcer régulièrement, y compris en ayant du temps pour travailler entre collègues.
J'ai dû repartir dès la matinée terminée car j'étais attendue le soir à côté de Bourg en Bresse, à Polliat, pour une soirée débat grand public: deux changements de train pour faire Carcassonne-Bourg en Bresse. Voilà quelle est ma vie de conférencière toutes les semaines depuis un peu plus d'un an maintenant, ce qui m'a conduite à rencontrer des milliers de personnes dans plus de 300 communes et communautés de communes. Il me semble être autorisée à dire que je sais ce qui se passe sur le terrain.
Voici donc le lien concernant mon audition au Sénat.
http://videos.senat.fr/video/videos/2014/video21859.html
Madame la rapporteur m'a évidemment posé quelques questions, mais j'avoue avoir du mal à comprendre qu'une sénatrice PS trouve "généreuse" mon envie de voir la société évoluer dans le bon sens, pour qu'elle devienne plus respectueuse de l'ensemble de la population. Or pour moi cette évolution sociétale ne peut se faire que si dès l'école, on amène tous les enfants à davantage coopérer, à avoir confiance en eux, à s'autoriser à rechercher les voies dans lesquelles ils se sentiront les plus à même de réussir leur vie.
Par ailleurs, j'avoue que j'aimerai connaître le sentiment réel de cette sénatrice, elle qui a été directrice de maternelle, devant ce qu'on est en train d'imposer à certains de ces enfants : trouve-t-elle qu'on va vraiment aider ces enfants à aimer l'école et à prendre plaisir à apprendre si on leur impose de passer plus d'une heure et demie, de 7h30 à 9h15, avant d'entrer en classe ? Ce d'autant qu'on sait depuis très longtemps qu'à cet âge, les enfants sont des "lève-tôt", (quel est le parent qui n'a pas tenté de coucher tardivement son jeune enfant le samedi soir avec le secret espoir de faire la grasse matinée le dimanche et n'a pu que constater que cet enfant se réveillera toujours à la même heure ? ). Quand on leur diminue chaque matinée de classe, pour ne plus y faire que 2h45, (ceci uniquement pour éparpiller au cours de la journée les 3 fois 1/4 d'h à supprimer du temps scolaire sous le prétexte fallacieux d'"alléger" la journée scolaire) quand on sait le temps nécessaire pour faire passer les enfants aux toilettes, pour les préparer à aller en récréation quand il est nécessaire de les couvrir chaudement ! Que pense-t-elle du bien être des enfants à qui on va proposer de faire plus de deux heures de foot dans la cour de récréation avant de retourner en classe, ceci après avoir pris le repas de midi, puisque certaines pauses méridiennes passent à 3 heures et plus. Quelle amélioration attend-on dans les apprentissages avec des mercredi matin à 1h40 ? ou à 2h mais nécessitant que les enfants fassent 1h30 de transport avant d'arriver à l'école et à nouveau 1h30 pour rentrer chez eux ? Et comment les relations entre l'école et les parents vont-elles être améliorées dès lors que ceux-ci reprendront leurs enfants en fin d'après-midi auprès de l'animateur qui aura eu, quant à lui, la malchance de récupérer des enfants quelque peu éreintés par la journée de classe et pas immédiatement prêts à passer à une autre activité ? La fatigue peut-elle vraiment être diminuée si on impose aux enfants qui veulent participer à une activité non scolaire de sortir plus tardivement de l'école, parce que la commune ayant pris conscience que 3/4 d'h ne permettent pas de développer l'intérêt des enfants pour l'activité qu'on lui propose, rallonge ce temps de 3/4 d'h supplémentaire ? Et toutes ces communes qui ont cumulé le plus de temps dit périscolaire sur le vendredi après-midi, en faisant finir la classe plus tôt ce jour là ? Quant aux activités dites extra-scolaires qui passent maintenant à 18 h et plus et imposent à des enfants de 7 ou 8 ans de faire une activité sportive à partir de 18h30, qu'en pense-t-on ?
Il ne m'a pas été possible de discuter davantage avec cette sénatrice, mais je pense sincèrement qu'il serait important qu'elle lise les courriers que m'ont fait parvenir les maires qui souhaitent construire un projet éducatif de qualité, mais qui ont besoin, pour ce faire, que des temps soient libérés pour permettre de recruter des professionnels qualifiés, mais aussi stables dans le temps pour accompagner les enfants sur ces temps non scolaires. Ceci aussi bien dans des petites communes d'Auvergne ou de Haute Savoie que dans des grandes villes de la région parisienne ou de la côte ouest.
Il n'est pas question dans ces communes, au contraire de celles qui déclarent ouvertement qu'elles espèrent que le plus possible d'enfants pourront rentrer chez eux dès la fin de la classe, de laisser les enfants sans accompagnement par la collectivité, elles souhaitent en fait donner à chacun d'eux la possibilité de s'essayer à des activités nouvelles, de qualité, et susceptibles d'être ensuite poursuivies à l'extérieur de l'école. Mais ces possibilités n'ont de sens que si on peut offrir ces activités aux enfants à des moments où ils sont disponibles pour les recevoir et sont dans des conditions biologiques et psychologiques leur permettant d'en profiter au mieux, certainement pas sur des temps émiettés chaque jour. Et ce avec des professionnels ne subissant pas une précarisation de leur emploi.
Refonder l'école nécessiterait que l'état accepte des expérimentations permettant de faire la preuve de l'intérêt pour le bien-être et la réussite de l'enfant de modalités d'organisation de la semaine permettant d'utiliser le mieux possible tous les temps, scolaires comme non scolaires, pour lesquels une réflexion aura pu être menée aussi quant aux contenus à y établir. Alors que là on impose à toutes les écoles un emploi du temps ne possédant que des cases vides à remplir par la suite, sachant que cette imposition n'empêche nullement un nombre invraisemblable d'organisations différentes, y compris au sein d'une même commune. J'ai même l'impression qu'il n'a jamais existé autant d'emplois du temps différents sur un même territoire. Où est l'intérêt de l'enfant dès lors, et le respect de ses "rythmes biologiques" ??
Pour finir, ci-joint l'article de la Gazette des Communes qui a analysé mon audition.
Bonne lecture à toutes et tous, et n'hésitez pas à échanger avec moi pour toute question dont vous aimeriez débattre.
Mercredi ou samedi ? Comment le MEN a choisi ?
Le 06/01/2014
On me pose sans cesse la question, j'ai donc voulu y répondre, mais en y réfléchissant sur le fond.
Je vous livre ici ma réflexion.
Samedi ou mercredi ?
Claire Leconte – Professeur émérite de psychologie de l’éducation
chercheur en chronobiologie spécialiste de l’enfant et de l’adolescent
J’ai été étonnée, la dernière fois que j’ai eu rendez vous au ministère avec deux des proches conseillers du ministre de l’Éducation nationale, de m’entendre dire que ce contre quoi le ministère voulait vraiment lutter, c’est contre un trop long week-end ! Ce à quoi j’avais répondu que pour ce faire, le plus simple aurait été d’imposer le samedi dans le décret et pas le mercredi comme c’est le cas ce qui amène la plupart des communes non pas à le choisir mais à le prendre pour ne pas avoir à demander de dérogation !
D’ailleurs le ministre lui-même avait précisé à l’assemblée, quand des amendements ont été déposés pour obtenir la possibilité de libérer des après-midis, qu’il refusait pour ne pas que soit libéré le vendredi après-midi : « L’avis du Gouvernement est que nous ne pouvons pas ouvrir cette possibilité qui donnerait des week-ends de deux jours et demi. Beaucoup de villes m’en ont fait la demande. Je ne peux pas, en conscience, considérer que ce serait un progrès ». Ce qui, soit dit en passant, ne l’a pas pour autant conduit à refuser que soient libérés des moitiés de vendredi après-midi, sur Paris, où on est en droit de se demander, sur l’ensemble des écoles, quels sont les enseignements réalisés sur le début d’après-midi et par qui. Et je répète qu’en imposant l’école le samedi matin, on n’aurait pas eu de longs week-ends même avec un vendredi après-midi libéré.
Tout comme j’ai pu le faire pour les interrogations portant sur les « rythmes scolaires », il m’apparaît toujours important de rappeler l’histoire des faits et des concepts.
Dans le monde, ce sont 143 pays sur les 197 reconnus par l’ONU qui ont adopté le week end chômé sur le samedi-dimanche pour la majorité de leur population.
Parmi les pays musulmans qui avaient leur week-end le jeudi-vendredi, 19 d’entre eux ont décidé, pour des raisons économiques (pour avoir quatre jours de travail en commun avec les autres grandes économies) de passer au week-end sur le vendredi-samedi.
Mais d’où vient que chez nous les samedi et dimanche sont aujourd’hui chômés pour une grande partie de la population ? (La question qui se pose est de savoir si cette population est encore majoritaire, tant le nombre de travailleurs le samedi est important).
Le samedi a toujours été, pour les Juifs, jour de sabbat, soit un jour de repos en tant que 7ème jour de la semaine qui doit, selon la Bible, être réservé à la gloire de Dieu. La Palestine est devenue romaine mais il n’y avait aucun jour particulier hebdomadairement chômé à Rome, mais les employeurs peuvent accepter que leurs employés fassent sabbat. Jésus fera sabbat toute sa vie. Mais après sa résurrection, qui eut lieu un dimanche, certains chrétiens décidèrent de célébrer ce jour comme jour de prière.
L’empereur romain Constantin Ier devient chrétien et décide par un acte du 7 juillet 321 que ce serait dorénavant le dimanche qui sera chômé : pour ne pas « froisser » les non chrétiens plus nombreux que les chrétiens (l’empire romain est encore à l’époque très polythéiste), il invoque le fait que beaucoup vouant un culte au Sol Invictus (Soleil Invaincu) et le dimanche étant le jour du soleil (Sonntag en allemand ou Sunday en anglais), il deviendra le jour chômé pour tout le monde (dimanche en français vient de dies dominicus, jour du seigneur, de même que domenica en italien et domingo en espagnol). Mais cette décision était empreinte de la volonté de marquer une rupture des chrétiens avec leurs racines juives. Ce serait un concile de 364 qui interdirait aux chrétiens de pratiquer le sabbat, même concile qui interdirait à la femme toute responsabilité dans l’église.
Par la suite, en France, le samedi serait devenu chômé à cause du milieu bancaire. Les catholiques ont été interdits d’usure pendant une longue période car on jugeait immoraux les prêts avec intérêts. Ce sont alors majoritairement les Juifs qui réalisèrent ce type d’opérations financières, sachant que leur religion les autorisait à prêter à des non-juifs.
C’est à la fin du Moyen-âge que les Lombards, italiens du Nord, puis les Flamands, (Europe du Nord) ont commencé à réaliser ces opérations. Les échanges commerciaux s’accélérant, l’Église catholique admet au XVème siècle la possibilité de prêts à intérêts en échange de compensations parfois étranges comme par exemple une assurance de rémissions de purgatoire. Mais avec cette décision, l’Eglise impose à ceux qui pratiquent le commerce de l’argent une journée pour se purifier avant le « jour du seigneur ». De plus ce non-commerce de l’argent la veille du dimanche a également été développé par le fait que les Juifs, alors seuls employeurs, fermaient les établissement bancaires le samedi. Cet usage propre au milieu bancaire s’est ensuite progressivement étendu au reste de la population.
Toutefois le samedi n’a aucun statut légal contrairement au dimanche (c’est la loi du 13 juillet 1906 qui a instauré l’interdiction de travailler le dimanche). Il existe un grand nombre de secteurs d’activités dans lesquels il n’est pas chômé.
Les lois des 11 et 12 juin 1936 font passer la durée du travail hebdomadaire de 48h à 40h d’abord pour lutter contre le chômage en espérant que la limitation du temps de travail oblige les entreprises à embaucher. À raison de journées de travail de 8h, ce sont donc 5 jours obligatoires de travail par semaine, c’est alors que partout où ce fut possible, c’est le samedi qui est devenu jour chômé dans la semaine avec le dimanche comme jour obligatoire de repos. Mais dans le code du travail, le second jour de la semaine non travaillé, dont le samedi, reste un jour ouvrable pour le décompte des jours de congés.
Quant au mercredi, il est devenu "chômé " pour les élèves en 1972, en remplacement du jeudi après qu'ait été supprimé, en 1969, le samedi après-midi de classe. La semaine scolaire est alors passée de 30h à 27h, pour les enfants comme pour les enseignants. Le jeudi quant à lui, était jour chômé dans la semaine, avec le dimanche, depuis très longtemps. Ceci pour permettre aux Catholiques de préparer leur âme et leur corps au jeûne imposé par le vendredi maigre.
Dans les réglements intérieurs des écoles du début du 19ème siècle on trouve la liste des jours fériés, jours de fêtes religieuses, pour lesquels les écoliers seront en vacances mais il est aussi écrit que dans la semaine, l'école chômera les jeudi et dimanche.
Ce sont donc bien avant tout des raisons religieuses qui ont imposé en France un week-end sur le samedi et le dimanche, mais aussi un jour sans école dans la semaine.
Mais qu’en disent les chronobiologistes ?
Comme souvent, pour défendre une idée personnelle sans argument scientifique, on utilise l’idée qu’il y aurait dissension chez les spécialistes quant au choix de la demi-journée à rajouter, entre le mercredi et le samedi, j’ai fait un petit florilège des déclarations de ces différents spécialistes.
En 1980 Hubert Montagner adressait un message fort sur les dangers d’un week-end trop long.
Il l’a redit à plusieurs reprises au cours de ces années, curieusement il semble revenir sur ce point en disant que pour la sécurité affective de l’enfant, il vaut mieux qu’il puisse prévoir ce que sera son lendemain, qu’il ait une régularité dans la semaine, et qu’il est donc mieux que le mardi soir il sache que le mercredi matin il aura classe.
Je réponds à cela que pour qu’il y ait régularité dans la semaine, il ne faut pas la découper en 9 demi-journées mais bien en cinq jours, car forcément sinon on a un jour qui ne peut être identique aux autres.
Et pour la sécurité affective de l’enfant, je pense qu’ils ne sont pas perdus quand ils savent que toute la journée du mercredi, ils seront pris en charge par la (ou les) même (s) personne (s).
Le 1er Juin 2012, sur NousVousIls, René Clarisse, chronopsychologue à l’université de Tours, déclarait : « Sur le plan biologique, l'idéal c'est la semaine de 4,5 jours avec école le samedi matin, ce qui était le cas pour la majorité des enfants avant la rentrée 2008 et la réforme de Xavier Darcos. Le problème avec la semaine de 4 jours c'est la désynchronisation de l'horloge biologique le week-end. Différents travaux ont montré que les enfants sont dans la perspective du week-end dès le jeudi. Ces longs week-ends vont donc s'accompagner, le plus souvent, d'une perte de sommeil qui engendre des phénomènes de fatigue. Quant à la solution du mercredi matin, ce peut être un compromis. »
Le 21 janvier 2013, François Testu, invité par la FCPE 17, répondait à Emmanuelle Chiron : « Sur le choix du mercredi ou du samedi matin, je conseillerais le samedi. »
Le chronobiologiste balaie de la main les arguments d'une nuit de récupération supplémentaire le vendredi soir et des bienfaits de deux jours de coupure pour l'enfant. « Bien au contraire, c'est loin d'être un bienfait, souligne François Testu. Dès le vendredi, l'enfant est aspiré vers le week-end, il perd son attention. Celle-ci, avec une coupure le samedi, ne revient que le mardi après-midi. Cela concerne principalement les enfants qui n'ont aucune activité le week-end ou qui subissent le rythme des adultes. »
La semaine commencerait donc pour les enfants avec très peu de productivité. « La coupure le mercredi n'a pas cet effet-là », appuie le spécialiste.
Le 4 mars 2013 l’Académie de médecine publie un communiqué de presse. Dans ce communiqué, l’Académie de médecine se déclare en faveur de la semaine de 4,5 jours, sans pour autant que ses préconisations ne recoupent l’ensemble des dispositions prévues par le décret du 24 janvier 2013. Elle déclare notamment que « la demi-journée de travail supplémentaire serait préférable le samedi matin plutôt que le mercredi matin pour éviter la désynchronisation inévitable de l'enfant en début de semaine ».
Enfin le 3 janvier 2014, dans le Figaro, Yvan Touitou et Pierre Bégué sont interviewés. Voici ce qu’ils disent : « En trente ans, nos enfants ont perdu environ une heure de sommeil par jour! La semaine de quatre jours, du fait du week-end prolongé, où l'enfant a tendance à se coucher tard deux soirs de suite, a favorisé cette désynchronisation et ainsi compromis la vigilance et les performances des deux premiers jours de la semaine. En rétablissant les cours le samedi matin, on permet à l'enfant d'adopter un rythme plus sain, avec des horaires de coucher et de lever réguliers, sachant que c'est pendant le sommeil qu'est sécrétée l'hormone de croissance et que s'opèrent l'apprentissage et la récupération… pour être d'attaque le lendemain en classe! Osons le dire: le samedi matin a été supprimé pour des questions budgétaires mais aussi pour contenter à peine 20 % des familles qui souhaitent profiter de leur week-end ;
Quant à moi, j’ai toujours privilégié le samedi matin de classe, que mes propres enfants ont connu sans qu’ils n’en soient traumatisés, bien au contraire.
J’avoue d’ailleurs avoir souvent travaillé le samedi matin, car j’assurais les TD pour les étudiants salariés, qui, pour beaucoup, ne pouvaient les suivre que ce matin là. Et j’avoue que c’était des temps d’enseignement particulièrement agréables.
Voici diverses interviews auxquelles je me suis prêtée :
Est-ce le samedi ou le mercredi qu'il faudrait remettre à «l'heure scolaire »?
Comme beaucoup d’enfants vont de toutes façons en collectivité le mercredi, donc se lèvent le mercredi matin, il est mieux de privilégier le samedi qui permet d’éviter cette grande rupture de deux jours du week end.
De plus, sur le plan pédagogique, il est mieux d’avoir une fin de semaine pour boucler les activités prévues sur la semaine, au cas où on n’a pas pu tout faire. Le samedi autorise des rencontres entre parents et enseignants que n’autorisent absolument pas les autres jours de la semaine. Rencontres spontanées toujours plus agréables que des rendez vous contraints.
La suppression du samedi matin a aussi éliminé les rencontres entre parents, la possibilité de faire des ateliers en co-éducation dans les écoles avec les parents, qu’on invite à venir en leur disant qu’on a besoin d’eux, ce qui, d’expériences vécues, limite très fortement l’absentéïsme souvent mis en avant pour éviter le samedi matin.
Elle ne permet pas au parent séparé qui n’a son enfant que le week end de maintenir un lien, si important pour l’évolution scolaire de l’enfant, avec l’enseignant et l’école.
Tous ceux qui ont connu le samedi matin de classe s’accordent à dire que le climat d’école est beaucoup plus serein ce matin là, que les enseignants comme les élèves sont plus détendus. Il est vrai que comme souvent le parent qui conduit l’enfant à l’école ce jour là ne travaille pas, il est lui aussi moins stressé (d’arriver en retard au travail par exemple), ce qui rejaillit positivement sur l’enfant.
Et comme c’est « la fin de semaine » pour tout le monde, l’ambiance dans l’école est beaucoup plus agréable.
Le lien social au sein d’un quartier est bien mieux préservé, car on a le temps de se rencontrer : un marché, qui se tenait à la porte de l’école, a fermé boutique dès la suppression du samedi car les parents ont alors préféré aller à l’hypermarché, parfois même pour y passer la journée, ce qui a modifié sensiblement la vie de quartier.
Si c'est le samedi qu'il faudrait reprendre, ne serait-ce pas une atteinte idéologique au week-end, construction sociale très intériorisée dans nos mœurs ?
Pense-t-on, quand on dit cela, à tous les travailleurs du samedi ? les commerçants, tous les transports collectifs, les services hospitaliers, privés comme publics, les services de sécurité, les postiers, certaines banques, les lieux de loisirs pour adultes (clubs sportifs, associations diverses), les journalistes, les agriculteurs, etc, non, tout le monde ne profite pas de son week-end, c’est un point de vue très égoïste que de le considérer ainsi .
De plus quand les deux parents travaillent toute la semaine, n’ont-ils pas des activités bien peu agréables à faire (le ravitaillement, le ménage, etc), qu’on peut faire plus vite sans la présence des enfants, et ce qui permet alors d’avoir ensuite plus de temps disponible à consacrer aux enfants.
Ce que les parents ignorent souvent, c’est que plus l’enfant est jeune, plus il est important de respecter une régularité dans les heures de coucher et les heures de lever, car le sommeil de grasse matinée n’a pas du tout la même qualité pour la récupération que le sommeil de nuit et en particulier que le sommeil de début de nuit.
Les ruptures qu’on impose aux enfants en retardant leur coucher sous prétexte qu’il n’y a pas classe le lendemain se répercutent aussi sur les apprentissages.
Au vu de toutes ces interviews, qui toutes vont dans le même sens, on est en droit de se demander quel est le lobby qui a pu faire pression pour que le ministère décide d’imposer le mercredi plutôt que de le rendre dérogatoire
Je voudrais de plus apporter un complément à mes propos en fonction de tout ce que j’ai pu constater au cours de mes déplacements sur ce premier trimestre de l’année 2013-2014.
On impose aux enfants qui doivent aller à l’école le mercredi matin avec des parents qui travaillent tous les deux, dans beaucoup de territoires, une journée assez folle.
Elle commence pour beaucoup d’entre eux par un temps de « garderie », d’avant la classe. Les mercredi matin ont été gérés de façon complètement désorganisés : pour conserver un peu « du mercredi des enfants », dans certaines communes on ne fait que deux heures d’enseignement ce matin là. Quel intérêt sur le plan pédagogique ? D’autant plus quand on décide de n’y faire que de l’EPS ou des arts plastique !
Il est donc des enfants qui vont avoir un long temps de garderie avant de commencer la classe, mais en auront également un après la classe, parce que leurs parents ne peuvent les récupérer dès la sortie de la matinée.
Certaines communes demandent aux parents d’apporter un panier repas.
D’autres n’acceptent les enfants au restaurant scolaire que s’ils sont inscrits au centre de loisirs l’après midi.
On assiste ainsi à une inflation d’inscriptions sur le centre de loisirs, d’une part pour que l’enfant puisse être nourri, sachant que parfois, pour ce faire, il doit avoir 45 mns de bus pour rejoindre le centre de loisirs qui est excentré ! Imaginez les enfants de maternelle dans de telles conditions ! Mais aussi parce que certains enfants allaient chez leurs grands parents le mardi soir, mais que ceux-ci ne peuvent les reprendre le mercredi midi.
Que beaucoup d’assistantes maternelles privilégient les enfants à garder à la journée, et ne prennent donc plus ces enfants qui ne seraient que sur une demi-journée.
Sans compter les difficultés pour les centres de loisirs de réorganiser leurs activités, quand ils avaient l’habitude de les gérer autour d’un projet pédagogique à la journée. Il est difficile pour eux de programmer un tel projet sur une seule demi-journée, d’autant plus que ces enfants auront eu dans la semaine des activités proches de ce qu’ils pourraient proposer.
On ne tient pas compte non plus des difficultés rencontrées par les associations qui fonctionnaient sur le mercredi et qui, pour certaines d’entre elles, sont obligé de licencier certains de leurs animateurs, car le nombre d’inscriptions a chuté.
Enfin il n’est pas rare que l’on m’ait dit que des enfants font maintenant leurs activités extra-scolaires, autrefois faites sur le mercredi, en fin de journée ! parfois à partir de 19 h ! Génial pour résorber la fatigue des enfants et pour respecter leur rythme veille-sommeil.
J’ai fait part aux conseillers du ministre que j’ai rencontrés avant les congés de Noël, des difficultés que rencontrent les communes qui veulent ouvrir l’école le samedi matin, pour pouvoir le faire car les dasen mettent en avant leur difficulté à gérer les remplaçants si toutes les écoles n’ouvrent pas la même demi-journée.
Il serait quand même bien étonnant que les remplaçants soient justement indispensables le samedi matin. Par ailleurs, on peut fort bien gérer les choses y compris s’il y a des enseignants à mi-temps, en modifiant les logiciels de gestion en fonction de ces changements.
Ces conseillers m’ont affirmé qu’ils appelleraient les dasen pour leur demander d’accepter plus facilement ces demandes de dérogation, sachant que je leur rappelais que ce serait quand même le meilleur moyen d’éviter la trop longue coupure du week end.
À suivre donc.
Mais cette réflexion sur le choix de la demi-journée confirme, s’il le fallait, que le décret a été rédigé très rapidement, juste en s’appuyant sur le précédent, et montre bien que contrairement aux objectifs annoncés pour lancer au plus vite cette « réforme », il n’a pas pris en considération toutes les conséquences sur l’enfant qu’auraient les décisions qu’il impose.
Celle-ci en étant un exemple parmi beaucoup d'autres.
Il serait vraiment urgent que ce soit corrigé.
pour tous ceux qui doutent de mon implication sur le terrain
Le 01/12/2013
Je souhaitais faire connaître au plus grand nombre de mes lecteurs, les lieux et territoires sur lesquels je suis allée au cours de cette année, et uniquement sur cette année, invitée bien évidemment.
Ces tours de France m'ont permis de rencontrer des milliers de personnes ; parents d'élèves bien sûr, de fédérations différentes mais aussi d'associations indépendantes ; d'enseignants, tout venant, syndiqués, en conférence pédagogique, en soirées débats ; des élus, de couleurs politiques différentes, en soirées débats, en ateliers de formations, en conseil municipal ; des animateurs, en soirées débats, en formations organisées par le CNFPT ou par les collectivités ; des délégués CAF, des responsables de centres de loisirs, des atsem, en soirées débats, en formations organisées par les collectivités, des professionnels de la petite enfance, des médecins et psychologues scolaires, des enfants, venus m'écouter et me posant des questions. J'en oublie forcément !
Toutes ces rencontres m'ont permis d'élargir mon champ d'interventions car étaient présentes systématiquement des personnes de communes voisines, ou d'intercommunalités. C'est dire que j'ai pu développer un regard quelque peu avisé sur ce qui se fait actuellement, dans de nombreux territoires, un peu partout en France. Et je ne peux pas dire que je vois les choses de façon très optimiste.
J'ai rencontré le ministre lors de la rentrée scolaire à Roubaix, il m'avait alors promis que nous nous rencontrerions en octobre pour que je lui fasse part de ce regard, que je lui donne à connaître le ressenti que j'éprouvais à la suite de tous ces échanges vrais. La rencontre n'a pas eu lieu, et je ne peux que le regretter.
Car j'aurais aimé lui faire comprendre que ce n'est pas du tout d'abord le manque de volonté qui freine la mise en place de cette "réforme", c'est en grande partie la rigidité avec laquelle elle doit être réalisée, rigidité qui pénalise les petites communes peu argentées mais aussi en manque évident de ressources dans l'animation, mais aussi les communes rurales pour lesquelles interviennent de plus les transports scolaires, mais aussi les grandes villes qui doivent recruter un nombre inimaginable d'animateurs sur des créneaux temporels identiques. De plus cette rigidité contraint les communes à précariser les emplois d'animateurs au lieu au contraire, de les requalifier en valorisant leurs fonctions, ce qui ne peut évidemment pas satisfaire ces collectivités.
J'aurais aimé lui faire comprendre que si, partout où je suis passée, s'est développée une vraie motivation, de la part de tous les acteurs de la communauté éducative, pour faire quelque chose d'ambitieux pour les enfants, y compris parmi des opposants (élus, parents, enseignants) a-priori, à condition de pouvoir expérimenter des organisations innovantes permettant entre autres de recruter des professionnels qualifiés, il suffirait d'accepter que de telles expérimentations soient menées, avec évaluations en avant et en après (ce qui ne peut être fait pour les nouvelles organisations mises en place dès cette rentrée 2013), pour prouver qu'on peut réellement innover dans l'organisation temporelle de l'école, pour un mieux-vivre de tous les enfants.
Car partout où cette envie d'expérimentaton s'est faite jour, cela a toujours été en vue de répondre à l'intérêt et aux besoins des enfants, jamais pour des questions économiques ou dans l'intérêt de tel ou tel adulte.
Comment réussir à convaincre le ministre qu'il a tout à gagner, pour que cette réforme se généralise dans les conditions les meilleures à la rentrée prochaine, à laisser se concrétiser les initiatives de territoires permettant d'étaler les temps d'apprentissages scolaires sur 4,5 jours (mais pas sur 9 demi-journées), qui plus est en permettant de faire bénéficier les enfants des temps de disponibilité cognitive réputés comme les meilleurs depuis déjà le début du 20ème siècle ? Ce qui permettrait alors de faire évoluer les pratiques pédagogiques en classe, ce que ne peut que vouloir un ministre qui veut refonder l'école.
Si parmi les lecteurs, des idées se font jour pour obtenir du ministre une envie de laisser s'exercer de telles expérimentations, ce qui ne peut qu'être une richesse pour la refondation de l'école, je suis bien sûr preneuse.
Bonne lecture à toutes et tous !
Et merci à mon frère qui a passé quelques nuits à mettre en forme une telle carte.
Le 17/11/2013
Sans que je ne le leur ai demandé, les parents de l'école maternelle De Comines, en ARVEJ depuis 17 ans, ont tenu à s'exprimer pour sauver cette organisation qui fait ses preuves depuis si longtemps.
Lors de ma rencontre avec Jean-Paul Delahaye, dans l'émission Rue des Écoles, à la question que lui avait posée Louise Tourret, il avait répondu :"mais on ne va pas y toucher à vos projets, Madame Leconte". Pourtant le décret Peillon les met hors la loi. Que va-t-il répondre à ces parents ??
Les parents d'éléves
École Philippe de Comines
Rue Victor Duruy
59 000 Lille
Martine AUBRY
Maire de Lille
Place Augustin Laurent
59000 Lille
Lille le 14 novembre 2013
Objet : Demande de maintien du dispositif ARVEJ (Aménagement des rythmes de la vie de l'enfant et du jeune) du groupe scolaire Victor Duruy
Madame le Maire,
Vos collaborateurs nous ont annoncé, lors du Comité de pilotage ARVEJ du 5 novembre 2013, que l'organisation scolaire particulière dont bénéficie l'école maternelle Philippe de Comines de Lille depuis 1996 est remise en cause à la rentrée 2014-2015.
En qualité de parents d'élèves, nous sommes convaincus des bienfaits de ce dispositif pour nos enfants et notre quartier. Vous trouverez ci-joint une lettre ouverte détaillant notre point de vue signée des parents d'élèves, ainsi que des témoignages individuels de parents.
Bien que nous soyons conscients des contraintes budgétaires liées à la poursuite d'une telle expérience, nous ne pouvons comprendre qu'un projet, dont tout le monde s'accorde à dire qu'il est exemplaire, soit stoppé pour cette seule raison.
Vous avez largement contribué à la réussite de ce projet atypique, et pouvez être fière d'avoir cet exemple "d'école idéale" dans un quartier populaire de Lille. Ainsi, nous espérons vivement que vous ferez une demande de renouvellement du droit à l'expérimentation au titre de l'article L 401-1 du code de l'éducation qui permet encore un fonctionnement exceptionnel dans certaines écoles. Les Villes de Lomme et Angers l'ont par exemple obtenu en 2013.
Cette demande devant être formulée au plus tard début décembre, nous sollicitons une audition avec vous très prochainement afin d'échanger sur l'avenir de nos enfants dans cette école et leur épanouissement dans le quartier de Moulins.
Nous vous prions d'agréer, Madame le Maire, nos sincères salutations.
Les représentants de parents d’élèves
Pièces jointes :
Lettre ouverte signée des parents
Témoignages individuels des parents
Liste et coordonnées des représentants des parents d’élèves
Copie
Madame Luciani Inspectrice Départementale de l'Education Nationale
Monsieur Vion, Directeur général adjoint chargé des affaires sociales et de l'éducation à la Ville de Lille, Madame Magne Florence Directrice générale adjointe Déléguée à l'éducation,
Monsieur Christian Wassenberg, Directeur académique des services de l’Éducation Nationale
Monsieur Malle, délégué au Ministre de l'Education Nationale
Madame le Maire,
L'école maternelle Philippe de Comines jouit d'une réputation exceptionnelle auprès des parents d'élèves dans la métropole lilloise. C'est d'ailleurs ce qui pousse des parents n'habitant pas le quartier de Moulins à y scolariser leurs enfants. C'est aussi ce qui permet dans ce quartier plutôt défavorisé de créer une mixité sociale enrichissante pour tous. Ces échos positifs font état d'un grand nombre d'activités culturelles et éducatives proposées aux enfants, d'un véritable projet d'école qui anime des enseignants particulièrement dynamiques et d'une organisation scolaire adaptée aux rythmes des enfants.
Nous pouvons témoigner que nos enfants gagnent en effet beaucoup à fréquenter cette école et à bénéficier du projet A.R.V.E.J.
Ils découvrent grâce aux animateurs de l'A.R.V.E.J. la circomotricité, les sports de glisse, les danses folkloriques, l'informatique, le Land Art, le langage des signes, les expérimentations scientifiques, les ateliers de cuisine, le théâtre d'ombres ainsi que les plaisirs de la lecture et de la musique. Ils sortent aussi de leur univers citadin et apprennent à observer la faune et la flore à la forêt de Phalempin. Nos enfants fréquentent les espaces culturels, associatifs et de loisirs du quartier tels que la Maison Folie de Moulins, Filofil ou encore le Cirque du Bout du Monde. A cette ouverture culturelle, que beaucoup de parents ne peuvent prendre en charge, s'ajoute l'aspect humain : les animateurs de l'A.R.V.E.J. sont des professionnels inventifs qui ont de grandes qualités relationnelles avec les enfants. Nos enfants développent à leur contact un esprit citoyen et de rencontre, un appétit pour les découvertes et une capacité d'adaptation, habitués qu'ils sont à changer d'interlocuteur deux après-midi par semaine, ainsi qu'une confiance réelle dans les adultes, tous bienveillants envers eux. Tout ceci concourt à ce que nos enfants aiment aller à l'école et s'y sentent bien car c'est un lieu où il fait bon vivre.
Les parents que nous sommes se sentent aussi accueillis et écoutés dans cette école puisque le matin un temps de dialogue est permis avec les enseignants. La salle de classe est un lieu d'échange et de convivialité où nous pouvons participer à certaines activités scolaires de nos enfants : reconnaître son prénom, lire des histoires... Cette proximité permet à certains parents méfiants à l'égard de l'école et des institutions républicaines de se les réapproprier. D'autre part, nous sommes sollicités régulièrement pour participer aux activités de l'après-midi ainsi qu'aux journées portes ouvertes organisées par les animateurs de l'A.R.V.E.J. le samedi matin. On découvre alors les pratiques de nos enfant lors des ateliers.
L'organisation scolaire en cinq longues matinées de quatre heures est selon nous un point fort dans cette école car nous savons que nos enfants sont bien plus attentifs et disponibles pour les apprentissages fondamentaux à ce moment-là. De plus, des pauses sont aménagées avec une collation et une récréation qui « coupent » la matinée et les enseignants alternent les différents apprentissages comme le Français, les Mathématiques, le Sport ou les Arts Plastiques en créant du lien entre elles. Il nous semble que c'est aussi cela qui évite la lassitude chez nos enfants. Nos enfants sont d'ailleurs d'autant plus concentrés le matin qu' ils savent que leur après-midi sera allégée ou plus ludique. Les deux heures d'ateliers sont assez longues pour qu'ils puissent profiter pleinement des activités de découverte. Nous constatons par ailleurs unanimement que nos enfants ne sont pas fatigués par leur journée d'école qui est adaptée à leur rythme.
Enfin ce projet d'école crée un lien fort entre les enseignants qui ont la conviction qu'il est bénéfique aux enfants, il les soude et les motive pour organiser toujours plus de sorties et de projets éducatifs : exposition des œuvres des enfants à la Maison Folie, sorties régulières à la Bibliothèque, au Cinéma et dans les différentes expositions lilloises, Classes vertes, sorties à la découverte du Moyen-âge etc... Par ailleurs, leur souci est constant de relier les ateliers de l'A.R.V.E.J. aux apprentissages de l'école maternelle et de privilégier la qualité et la concertation.
Or tout cela est remis en cause à la rentrée prochaine puisque nous devrons revenir à un rythme de 3 heures de classe le matin et 3 heures l'après-midi, que les élèves ne bénéficieront plus que d'une heure trente d'activités au lieu de deux après-midi aujourd'hui, ce qui ne permettra pas d'organiser des sorties en dehors de l'école et appauvrira les projets éducatifs et culturels. Certes il s'agira de cinq matinées de classe mais trop raccourcies pour permettre un véritable bénéfice.
Nous nous interrogeons sur l'intérêt d'un tel retour en arrière alors que cette école est citée en exemple par des experts scientifiques, que les enseignants notent chez nos enfants plus d'attention, d'autonomie et de curiosité qu'auparavant. En plein débat sur la modification des rythmes scolaires, nous voulons que notre expérience serve la cause de l'école de quatre jours et demi, étant certains qu'elle favorise la réussite des élèves, leur épanouissement et leur insertion dans le groupe. Pourquoi alors priver des enfants pour certains défavorisés d'une telle ouverture culturelle et de compétences supplémentaires ? Pourquoi risquer de démotiver une équipe enseignante exemplaire ? Pourquoi défaire ces liens entre l'école et le quartier ? Pourquoi risquer que les familles les plus aisées se détournent de l'école (beaucoup de parents l'ont déjà évoqué) ?
Enfin, dans une ville qui se veut le être le fer de lance national de l'accès à la culture pour tous et de la mixité sociale réussie dans les quartiers, on ne peut renoncer au projet A.R.V.E.J.
Pour conclure nous déplorons fortement le retrait du projet A.R.V.E.J. car pour nous c'est l'école « idéale » dans laquelle nos enfants s'épanouissent pleinement qui risque de disparaître.
Les parents d'élèves de l'école maternelle Philippe de Comines de Lille.
L'ambition des Experts du Ministère
Le 27/10/2013
Parce que je ne comprenais pas pourquoi j’ai à la fin de chacune de mes interventions un nombre non négligeable de personnes qui viennent me remercier : des enseignants qui me remercient de « les rendre plus intelligents », des conseillers pédagogiques qui viennent même me demander s’ils peuvent trouver des documents utiles sur mon site, des parents qui comprennent mieux le rôle éducatif important qui est le leur, des élus qui me disent qu’enfin ils comprennent le sens que peut avoir ce changement dans l’aménagement des temps de l’enfant, des animateurs ou directeurs de centres de loisirs qui me remercient de valoriser leur profession mais tous me demandent quel est l'intérêt des courbes qui leur ont été présentées, soit par le préfet soit par le DASEN. J'ai donc voulu savoir ce que l'on me disait que présentaient les préfets ou les dasen dans les réunions organisées pour les mairies, pour "vendre" la réforme, quel sens avaient les courbes qu'on leur présentait.
Et l'ayant découvert, j'ai ressenti le besoin de faire ce nouveau billet.
À propos de l’avis des experts du Ministère pour la rentrée 2013
J’ai quand même eu la curiosité d’aller sur le site du Ministère de l’Éducation nationale voir ce qu’il développe en matière d’expertise pour « vendre » la réforme des rythmes scolaires ! (comme si on pouvait « réformer » des rythmes, il faudrait que le ministère revoit la définition du rythme, principalement biologique puisque c’est celui-là qui l’intéresse).
Et bien je n’ai pas été déçue par ces expertises. Je me suis dit : « c’est donc cela l’ambition de ce ministère pour refonder l’école ! ».
En voici le lien :
http://www.education.gouv.fr/cid73191/rentree-2013-l-avis-des-experts-sur-les-nouveaux-rythmes-scolaires.html
D’une part, je note :
"Les rythmes scolaires à la rentrée 2013 : l’emploi du temps des écoliers sur l'ensemble du territoire français
L’emploi du temps des élèves est organisé selon les grands principes suivants :
les élèves ont toujours au total 24 heures d’enseignement obligatoire par semaine
ils vont à l’école quatre jours et demi par semaine, dont le mercredi matin
ils n’ont pas plus de 5 heures 30 d’enseignement obligatoire par jour, ni plus de 3 heures 30 par demi-journée
ils ont une pause méridienne d’au moins 1 heure 30
Cette nouvelle organisation permet aux élèves d’avoir des journées de classe de 5 heures 15 en moyenne. Les enfants continuent à être pris en charge au minimum jusqu’à l’ancienne heure de fin de la classe, soit 16h30 dans la plupart des écoles. D’autres activités, conçues pour compléter l’enseignement scolaire, sont en effet proposées aux élèves sur le temps libéré".
Où donc est-il question de 9 demi-journées ???
Et des activités pour « compléter l’enseignement scolaire », c’est le Ministère qui le décréte, mais à charge des communes de le faire…. ou pas !
Par ailleurs, on prend comme exemples de bon fonctionnement, Paris, Grenoble et Ecuelles.
À Ecuelles, on déclare augmenter la matinée « parce que c'est là que l'on met les enseignements fondamentaux, et que cela permettra de mettre en place des groupes de compétences ». C’est quoi les enseignements fondamentaux ? Ceux préconisés par le décret de 1969 ?
C’est cela réformer à Ecuelles !
Mais pire encore, on ne le fait que pour les élémentaires, pour les maternelles, on leur laisse de longs temps d’école l’après-midi (tout le monde sait quelle est la disponibilité aux apprentissages l’après-midi des enfants de maternelle), classe de 13h45 à 16h !!! On doit évidemment beaucoup compter dans cette école, sur le rôle du sommeil pour apprendre ! Pourtant j’explique bien, dans mes conférences, qu’on n’apprend pas en dormant !
Quant à Paris, on a pu constater depuis la rentrée que tout se passe au mieux.
Grenoble, quant à elle, s’autorise à générer de la discrimination au sein des écoles : si les parents peuvent payer, les enfants ont droit aux « activités de qualité », mais s’ils ne peuvent pas payer, les enfants ont droit à la « récré-active » !!!!! Et c’est valorisé par le Ministère de l’Éducation nationale ! C’est d’ailleurs dans cette ville qu’il m’a été dit que ma façon de voir les projets pour aménager au mieux les temps de vie des enfants ne leur convient pas car « ils incitent tous les enfants à participer aux parcours éducatifs ainsi mis en place » ! Oui, j’avoue, c’est bien l’objectif pour moi !
Et que disent les « experts » adoubés par le ministère :
M. Testu veut "dédensifier les journées pour placer au bon moment les activités sollicitantes intellectuellement, physiquement, biologiquement" ! Diantre, que sont les activités à l’école qui sont sollicitantes biologiquement ?
Il ne donne rien d’autre comme arguments scientifiques pour ne pas rester à la semaine de 4 jours que sa célèbre « courbe de vigilance classique ». Ce collègue m’avait dit que je « tuais son fonds de commerce » en démontant cette courbe dans le livre que j’ai publié en 2011. J’y explique l’inanité de cette courbe, démonstrations scientifiques à l’appui, et lui ayant rappelé que je lui tiens le même discours depuis longtemps, il m’avait répondu : « certes, mais maintenant c’est écrit » !
De quoi s’agit-il ? De quatre points relevés à quatre moments de la journée, sur la base d’une mesure de l’attention de l’enfant consistant à calculer le nombre de bonnes cibles retrouvées (une seule cible à rechercher) en 30 secondes, puisqu’il s’agit d’enfants de CP. On relie ces 4 points entre eux et on parle de « courbe de vigilance ». On ne sait rien de ce qui se passe entre le 1Er, le 2ème ni entre le 2ème et le 3ème point et ainsi de suite, mais on parle de courbe. On prétend que le positionnement des 4 points quand les enfants sont en classe 4,5 jours correspond au rythme biologique de l’enfant !
Il n’est jamais question de la motivation des enfants pour ce qu’ils font et de son rôle dans les capacités attentionnelles de ces enfants, du rôle de l’intérêt qu’ils portent à la tâche, de l’importance de leur état de détente et de non stress, dans ces mesures, non, on affirme que le positionnement de ces quatre points correspond au rythme biologique.
Monsieur Peillon ne s’est même pas étonné de voir que si on moyenne les résultats de ces quatre points au cours de la journée, pour avoir une donnée globale de la capacité d’attention des enfants, on a un résultat identique que l’on soit à 4,5 jours ou à 4 jours !
D’ailleurs une autre étude menée par une étudiante de M. Testu montrait des résultats aussi surprenants, à savoir un travail de Saada et al. (2010) qui comparait la durée des petites vacances sur les fluctuations de l’attention, et qui permet de comprendre à quel point il peut être aberrant de vouloir à tout prix retrouver cette courbe. Les auteurs en conclusion, disent : « Les résultats révèlent qu’après un repos de dix jours, le niveau moyen des performances attentionnelles est plus élevé qu’après une période de vacances de 15 jours [...] mais le profil classique n’est repérable qu’après deux semaines de repos. Si le niveau d’attention est plus élevé après 10 jours mais qu’aucune variation n’est repérable [?!] il est ainsi légitime de s’interroger sur le bénéfice d’une courte période de repos chez les jeunes enfants » ! Il nous semble inquiétant qu’on puisse dire que parce qu’il n’y a pas de variations de l’attention, alors que les résultats moyens sont plus élevés, 10 jours de vacances ne sont pas bénéfiques ! Pour moi, peu importe qu’il y ait ou non des variations si le niveau attentionnel global est plus élevé ! Je continue donc d’affirmer que la courbe dite classique ne doit pas être un des points majeurs à prendre en considération pour proposer l’organisation du temps scolaire la plus adéquate pour l’enfant. Notons que Testu lui-même avait montré que le niveau de difficulté des tâches modifie substantiellement cette courbe.
De quoi parle-t-on lorsque l’on parle des « rythmes biologiques » de la vigilance ?
Voici ce que la chronobiologie reconnaît à ce propos : (données recueillies chez des adultes, peu existent chez l'enfant, mais ne changent chez eux que les horaires affichés, le principe est le même).
« La vigilance et la somnolence sont deux aspects d’un même état fluctuant dont les variations circadiennes sont divisées en deux sous-cycles d’environ 12 heures chacun. En d’autres termes, les gens placés dans un environnement dépourvu de repères temporels montrent un rythme biquotidien de propension au sommeil. La première et la plus importante période de somnolence se manifeste autour de l’heure à laquelle on a l’habitude de se coucher et atteint un sommet entre 3 h et 6 h. C’est l’heure où le métabolisme et la température corporelle ont leur niveau le plus bas. La vigilance est au plus bas, on est physiquement maladroit et on a l’esprit engourdi. Le deuxième pic de somnolence survient 12 heures plus tard, entre 14 h et 16 h. De moindre importance que le premier, il est néanmoins bien connu de tous : c’est le « coup de fatigue » de milieu d’après-midi. Associé à tort à la digestion du repas du midi, il n’est pas non plus lié à la chaleur de l’après-midi. Des études ont en effet démontré la présence des deux creux dans la courbe de notre vigilance tant chez des sujets vivant sous l’équateur que chez ceux vivant en Amérique du Nord. La somnolence de l’après-midi est également ressentie même si on n’a rien mangé à l’heure du dîner. De plus, chez la plupart des gens, il n’y a pas de somnolence similaire après le déjeuner ou le souper. » (Bruno Dubuc, Le cerveau à tous les niveaux).
source :Dr. Guilhem Pérémarty
On n’a aucune donnée similaire chez l’enfant, car il est quand même déontologiquement difficile de les placer hors du temps pour analyser leur rythme circadien, mais on ne peut ici que constater le fait que le matin est bien le moment le plus propice à un bon niveau de vigilance, ce qui est tout à fait confirmé par ce que l’on sait de la courbe de cortisol : Le cortisol, dont la sécrétion connaît une pointe juste avant le réveil, atteint son taux le plus élevé au lever et contribue ainsi à l'activation générale de l'organisme.
Une courbe circadienne de ce cortisol se trouve dans le rapport de l’Inserm, dans le premier chapitre portant sur les Rythmes Biologiques ; Synchronisation et désynchronisation. (http://www.ipubli.inserm.fr/bitstream/handle/10608/178/?sequence=6)
Elle est reprise d’un article de Touitou et al de 1984. Il est dit dans ce chapitre que les profils de cortisol constituent de bons marqueurs des rythmes circadiens.
On y voit fort bien pourquoi je ne cesse de dire qu’il faut privilégier la matinée, en l’allongeant fortement, pour toutes les activités relevant du programme scolaire, ce que disait déjà aussi Binet au début du 20ème siècle (il parlait de la "clarté mentale" de la matinée pour faire travailler les écoliers).
Pour l’anecdote, j’ai participé à de nombreux congrès scientifiques en présence de Yvan Touitou, à chaque présentation de travaux de chronopsychologie, essayant de mettre en évidence l’existence de rythmicités des activités psychologiques comme l’attention, la mémoire, les activités intellectuelles, Yvan Touitou disait en permanence : « oui, mais vous, les psychologues, vous n’avez pas démontré l’existence d’une horloge interne régulant les variations temporelles des activités psychologiques » .
Il est vrai que beaucoup de chercheurs qui s’étaient lancés dans ces travaux dans les années 1980, ont interrompu ces recherches tant il est apparu que de nombreux facteurs interviennent dans les évaluations menées en psychologie qui ne permettent pas de conclure sur l’existence de fluctuations temporelles rythmées pour les activités ainsi évaluées.
De fait en ce qui concerne l’attention, celle-ci dépend de la régularité du rythme veille-sommeil de l’enfant, de son niveau de stress au moment de la mesure, de sa motivation intrinsèque par rapport aux activités qu’il est en train de réaliser (voir l’exemple du jeu vidéo et de la durée d’attention, sans fluctuation, de l’enfant qui, pourtant, réalise une tâche lui demandant de la dextérité motrice fine). Bien d’autres facteurs interviennent dans le niveau d’attention de l'enfant, son niveau de compétence par rapport à l’activité, le sens qu’elle a pour lui, etc.
Et c’est pour toutes ces raisions qu'il faut s'appuyer sur toute l’intelligence et les compétences des enseignants, pour qu’ils sachent ajuster les changements de séquences pédagogiques et d’activités en fonction des observations qu’ils font de leurs élèves dans leurs classes.
Le deuxième expert du Ministère, Marcel Rufo, est pédopsychiatre.
Je l’ai, comme beaucoup, souvent entendu sur toutes les ondes, radio, télévision, mais j’avoue n’avoir jamais perçu qu’il était expert des rythmes de l’enfant, qui plus est, selon le ministère, des « rythmes scolaires ».
Il s’exprime dans le document des experts du ministère, sur le rôle que vont jouer les activités périscolaires sur le développement intellectuel de l’enfant.
Et là où j’ai cru m’étouffer, c’est d’entendre à quel point M. Rufo connaît bien la France, a sillonné tous les territoires, pour savoir comment vont s’organiser ces activités pour le meilleur développement de l’enfant !!
Petit florilège des pensées de cet expert :
« Cette réforme est importante pour l’égalité des chances. Faire de la musique, du théâtre, des VOYAGES ( !!!!, oui, il a bien dit des voyages !), va permettre une ouverture culturelle à tous les enfants !!! ». Sûre que les enfants rouennais vont apprécier le VOYAGE offert par le goûter de fin d’après-midi qu’aura payé leur famille !
« Quand on a des problèmes en repérage spatial, être bon en VOILE, permettra d’être meilleur en géométrie !!!! Être bon en théâtre permettra de mieux apprendre ses récitations !! »
Et Monsieur Rufo s’aventure à dire qu’il faudra « OSER évaluer dans trois ou quatre ans pour montrer que cette réforme est bonne pour les enfants » !!!!
Comment, le Ministère a mis en place un comité de suivi qui ne se permettra d’évaluer que dans trois quatre ans ? Mais d’évaluer quoi ? Quel est le niveau de base préalable à partir duquel on pourra dire que c’est mieux ou moins bien pour l’enfant ? Les villes qui se sont lancées dès 2013, ont-elles réalisé au cours de l’année 2012-2013 ces évaluations AVANT MISE EN PLACE DU PROJET pour avoir ce niveau 0 permettant ensuite les comparaisons ? Si non, ont-elles lancé dès cette année ces évaluations en utilisant des écoles témoin (encore à 4 jours) pour au moins comparer des données comparables ?
Comme je crains fort que ce n’est pas mis en place, (pourtant avec deux scientifiques experts, c’eut dû être la première chose à construire, l’évaluation des dispositifs), on se contentera une fois de plus en France d’intuitions, de ressentis, pour dire que c’est mieux !
Alors que le ministère possède en son sein, ainsi que celui de Jeunesse et Sports, de nombreuses évaluations qui ont été faites, de façon rigoureuse, avec suivis d’enfants et mesures réalisées auprès des enseignants, des parents, des animateurs, pendant plusieurs années, aux périodes où des expériences importantes ont été menées pour modifier l'organisation des temps de vie des enfants.
J’avoue peu modestement que très récemment j’ai été contactée par des journalistes de radio nationale, ceux-ci voulaient absolument me présenter comme quelqu’un ayant conseillé le ministre, quand je vois les conseils qu’il a reçus, je suis heureuse d’avoir dit à ces journalistes que jamais les propositions que j’avais faites en leur temps au ministre n’avaient été retenues par lui.
Toutefois je soupçonne M. Rufo de m'avoir lue quelque peu puisqu'il termine quand même son exposé en disant que ce sont les temps des enfants qui doivent être réformés, pas les temps périscolaires ! Bingo !
Mais je me dis aussi aujourd’hui que Monsieur Peillon, finalement si mal conseillé, ne peut plus avancer, - comme il le fait maintenant-, comme argument pour refuser les demandes de projets innovants, au service vrai des enfants, mais qui s’inscrivent dans une semaine de 4,5 jours (comme dit d'ailleurs dans ce document du ministère) que celui consistant à dire : « il faut que les enseignants soient 9 demi-journées dans leur école ». Ce n’est pas pour l’enfant que c’est important, mais bien pour s’assurer d’une présence permanente de ces PE ! Quand on sait qu’ils ont de nombreuses heures complémentaires à réaliser en dehors de leur classe, de nombreuses réunions, que tous les enseignants du secondaire peuvent eux réaliser sur des après-midi, quand ce ne sont pas des journées, libérées.
Il est d’ailleurs cocasse de constater qu’au cours des conseils rassemblant PE et professeurs de collèges, lors des transmissions CM2-6ème, les enseignants du secondaire sont payés pour y participer, pas les PE me semble-t-il, mais surtout, nombre d’enseignants du secondaire n’hésitent pas à quitter le conseil quand l’heure a sonné au vu du nombre d’heures pour lesquelles ils sont payés. C’est évidemment à partir des paroles de collègues ayant vécu ces situations que je les évoque ici.
Si M. Peillon, M. Rufo, M. Testu connaissaient aussi bien l’école primaire qu’ils l’affirment, ils sauraient la lourde tâche que représente le fait de devoir accompagner tout au long de l’année, tous les jours et toutes les semaines, tout un groupe classe, en tenant compte des différences interindividuelles encore fortement marquées à ces âges. On sait tous qu’on se souvient très longtemps d’une maîtresse ou d’un maître qu’on a eus à l’école maternelle ou élémentaire, parce qu’on vit avec elle ou lui une année entière, au moment où tout s’imprime dans nos apprentissages nouveaux.
Ce serait bien le moins que d’accorder à ces enseignants la possibilité d’avoir des temps de vraie disponibilité, pas des temps émiettés chaque jour, pour avoir toute l’efficacité nécessaire dans les travaux hors classe qu’ils ont à réaliser chaque semaine.
Et en face de ces experts qui essaient de vendre au mieux la réforme du ministère, on a un maire qui se bat pour conserver dans sa ville une organisation qui fait ses preuves depuis 24 ans !!! Organisation qui est passée au travers de tous les gouvernements successifs depuis sa mise en place, et qui risque de ne pas résister à celui qui a déclaré vouloir « refonder l’école » ! Faut-il en rire ou en pleurer ??? Voir les articles sur divers médias à propos de Munster.
Monsieur Peillon, lors de notre dernière rencontre à la rentrée 2013, à Roubaix, vous m’avez promis, devant témoins et pas des moindres (M. le Recteur, M. le DASEN, M. le Maire de Roubaix) que nous nous rencontrerions en octobre, pour que je puisse partager avec vous tout ce que j’ai eu occasion de voir et d’entendre au cours de toutes les rencontres que j’ai faites depuis le début de l’année, sachant que j’ai aujourd’hui traversé plus de 200 communes ou communautés de communes.
Il ne reste que quelques jours pour que vous teniez votre promesse,
j’ai bien compris que vous aviez à présent d’autres préoccupations en tête, puisque vous avez déclaré publiquement vous représenter aux élections européennes et ne pas forcément renoncer à mener campagne pour ce faire.
Mais il me semble que l’intérêt de l’enfant auquel vous attachez tant d’importance, vaut bien quand même une rencontre vous permettant d’avoir la température la plus proche de la réalité du terrain concerné par votre action, non ?
Merci, pour le moins, de l’attention que vous aurez bien voulu accorder à ce nouveau message.
Saada, Y, Gana, K. & A. Unta (2010) La durée des vacances scolaires affecte-t-elle les performances attentionnelles en classe au retour de vacances ?, Psychologie Française, Volume 55, Issue 3, septembre 2010, pp. 231 - 242
Touitou Y, Févre M, Bogdan A, Reinberg A, De Prins J et coll. Patterns of plasma melatonin with ageing and mental condition : stability of nycthemeral rhythms and differences in seasonal variations. Acta Endocrinol 1984, 106 : 145-151
le combat d'un maire pour le bien-être de ses enfants
Le 20/10/2013
Comme j'ai pu le découvrir récemment, la ville de Munster, depuis 24 ans, fonctionne sur l'organisation des temps de l'enfant pour laquelle je plaide depuis longtemps puisque c'est la même que celle fonctionnant à Lille depuis 17 ans.
ci-joint l'article paru dans le Point,
Pourtant, lors de l'émission que j'ai faite avec Louise Tourret, en janvier dernier, Rue des Écoles, en compagnie de M. Delahaye, DGESCO, invité par la journaliste pour me donner la réponse du ministère à la lettre ouverte que j'avais alors envoyée au ministre, à la question qui lui avait été posée suite à l'intervention de l'enseignante du collectif des dindons qui avait dit que si on lui donnait la possibilité de partir sur une telle organisation, elle le ferait immédiatement, question demandant à M. Delahaye ce qu'il répondait à cela, il avait alors dit : "mais madame Leconte, on ne va pas y toucher à vos projets" !
Je pense que le ministère n'a aucune conscience de ce qui se passe vraiment sur le terrain sinon il accepterait volontiers d'avoir l'assurance que des projets de qualité se construisent pour ne faire de ce changement le fiasco qui risque de se produire avec la généralisation sur toutes les écoles, quand on voit ce qu'il donne sur moins de 20% d'entre elles.
Mais il serait bon qu'il pense vraiment aux enfants, parce que pour l'instant, beaucoup d'entre eux servent de cobayes. Les inspecteurs, qui appliquent et imposent sans aucun état d'âme, une organisation qui n'est pas en train de faire ses preuves, auront sur leur conscience les méfaits qu'elle produira, nous pouvons le craindre.